Le Sénégal : Pour une nouvelle voie progressiste

16 - Juillet - 2023

Liberté d'expression et de la presse, la paix sève nourricière de notre démocratie et le refus de la violence comme fatalité ou seule issue

Nous l'avons déjà exprimé dans nos précédentes prises de parole que la démocratie du Sénégal est à un tournant décisif de son histoire.
Avec la prise de parole du 03 juillet 2023 du président Macky Sall quoiqu'on puisse en penser, c’est une nouvelle étape a été franchie dans la consolidation de la démocratie véhicule de la force de l'expression populaire. Il n'en demeure pas moins que beaucoup de barrières sont encore à lever.
Je décrirais ces dernières de manière résumée dans ce propos.

A/La nécessité de respecter la justice et des décisions de justice.

La justice sénégalaise est solide et à des fondations inébranlables et elle est mise en œuvre par des hommes et des femmes de qualité qui sont d'abord nos concitoyens qui méritent notre respect. Leur compétence, leur intégrité, leur réputation dépassent le territoire sénégalais. La justice sénégalaise fonctionne correctement malgré parfois les erreurs qui peuvent émailler certaines décisions judiciaires comme partout dans le monde. Nul ne peut être au-dessus des lois dans une démocratie. Notre vivre ensemble dépend de l'acceptation du principe que tout citoyen peut saisir la justice mais également peut être convoqué à rendre des comptes devant la justice. En cas de faute, il faut avoir l'humilité d'accepter d'avoir fauté et une fois que la justice est passée, il faut la respecter. Le droit de contester les décisions fait partie inhérente de son essence car c'est ce qui fait d'elle un bon modèle d'équilibre et de consensus national facteur de cohésion nationale.

B/Les droits civiques et le respect droits humains.

Dans la suite de ce qui est exprimé ci-dessus, je dirais qu'il n'y pas de justice si l'égalité de traitement n’est pas respectée.
Une justice partisane s'affaiblit d'elle-même et a besoin d'être repensée car nous en aurons toujours besoin. Les forces de l'ordre qui sont souvent pris à partie sont des victimes collatérales des tensions que subissent notre société. Nous avons l'obligation de les protéger et leur devons un respect car ils prennent tous les jours d'énormes risques pour nous protéger.
A ce stade il est crucial de rappeler que la désobéissance civile ne peut être ni la violence et la destruction des biens publics et privés ni l'atteinte à l'intégrité physique des personnes. Ce qui s'est passé ces derniers temps dans notre pays ne peut être accepté et doit coûte que coûte être évité à l'avenir.

C/La réforme du code électoral une nécessité vitale pour notre démocratie

Le très important code électoral qui constitue notre base en matière de désignation démocratique des futurs responsables qui auront en charge les destinées de nos territoires et de notre pays comporte beaucoup de lacunes.
Le code électoral ne peut décider de la mort politique et social d'un citoyen. Il ne peut non plus se substituer aux juridictions qui ont la charge de veiller à son application.
On ne devrait pas pouvoir empêcher un citoyen de jouir de ses droits civiques que si le prononcé d'un jugement comporte une peine complémentaire clairement exprimée, sans équivoque, sans aucune ambiguïté au regard de la faute commise et qui prive le condamné de ses droits de vote et d'être éligible. Cette privation des droits civiques ne peut être gravée dans le marbre. Elle doit être limitée dans le temps pour que sa portée pédagogique et structurante soit réelle.
Cela éviterait le fait du prince et les biais que comporterait le pouvoir accordé au Président de la République de gracier de potentiels candidats. C'est la raison pour laquelle j'espère que l'intention louable portée par le Président de la République de saisir l'Assemblée nationale sur la questions d'éligibilité de certaines personnes condamnées pour ne pas citer Karim Wade et Khalifa Sall dépasse leur seule personne. La modification du code électorale doit être lisible et décidée pour tous les Sénégalais. D'ailleurs comment, l'Assemblée nationale pourrait décider d'ouvrir la possibilité pour messieurs Karim Wade et Khalifa Sall de participer à l'élection présidentielle de 2024 tout en excluant monsieur Ousmane Sonko ? Si cette probabilité devenait une réalité, cela poserait un énorme problème éthique et écornerait l'image de cette illustre assemblée.
Parmi les modifications du code électoral à proposer doivent figurer, l'incompatibilité de diriger une structure nationale à vocation régalienne et la possibilité de se porter candidat à une élection même locale. On ne peut diriger une structure nationale de l'Etat ou exercer des responsabilités de décideur au niveau d'un ministère régalien et vouloir diriger une collectivité locale. Sans vouloir jeter l'opprobre sur ceux qui pourraient être visés par une telle mesure car parmi eux, il est courant de dénombrer d'honnêtes citoyens qui ne confondent pas le bien public avec leur bien personnel. Cumuler certaines fonctions et le statut d'élu représentant le peuple ne devrait pas être possible. Ces situations nombreuses dans notre pays sont sources de beaucoup de conflits d'intérêts et d'inégalité territoriale.

De la même manière les cumuls des mandats doivent être mieux encadrés et limités. On ne devrait pas pouvoir être un ministre et diriger un exécutif local.

Enfin, il est important qu'occuper les fonctions d'élus ou de responsable d'un service régalien ou d'une satellite de l'Etat ne soit pas une manne d'enrichissement personnel au détriment du citoyen. Par conséquent, tout candidat à un poste d'élu national, d’un exécutif local ou de responsable d'une entité régalienne doit avoir l'obligation de faire une déclaration de patrimoine en amont de sa candidature ou de sa prise de fonction.

D/Préserver la liberté d'expression et la liberté de la presse

La nécessité d'encadrer la liberté d'expression ne peut être synonyme de dictat et d'oppression des journalistes ou d'organes de presse.
Il est important de réformer en profondeur la loi pour permettre une liberté d'expression totale et une protection de la presse.
La garantie de la liberté d'expression passe une loi qui exprime clairement les critères qui permettent de manière objective de dire à quel moment la liberté d'expression a été dépassée et de poser le cadre dans lequel ce dépassement peut être constitutif d'une faute qui peut faire l'objet d'une poursuite ou d'une auto-saisine par une juridiction nationale. Cela peut concerner notamment les cas de diffamations, de discriminations ou de racisme, d'incitation à la haine, d'entorse à la liberté de croyance et de culte, etc. La notion d'offense au chef de l'Etat ou de délit d’opinion doit être révolue dans un Sénégal moderne. La juridiction compétente doit rester la seule qui peut être saisie ou s'autosaisir d'une question relative l'atteinte la dignité du chef de l’Etat, de non-respect d'une personne dépositaire d'une autorité publique (cela peut concerner les juges et les forces de l'ordre et de défense) ou d’un mandat de service public.
Le pendant de cette démarche c'est la protection de la presse. Les Sénégalais ont le droit d'être informés par une presse libre et indépendante. Pour ce faire l'instance régulatrice indépendante prévue par le code de la presse doit voir son rôle renforcé et davantage outillé. Elle pourra être saisie ou s'autosaisir de faits reprochés à un journaliste dans l'exercice de son métier ou un organe de presse. Aucune décision de suspension d'un média ne peut être prise sans consultation et avis de cette instance représentative de la profession. Des commissions spéciales peuvent être mise en place dans un partenariat avec l'Assemblée nationale, le ministère de tutelle, le ministère la justice et toute ressource jugée utile et compétente pour apporter un éclairage ou une analyse mesurée des faits et reproches.
Par ailleurs, au-delà du fonds d'appui et de développement de la presse, il s'agira de doter tous les médias reconnus comme tel et ayant une mission de service publique d'un appui et accompagnement de l'Etat s'appuyant sur des bases objectives et sécurisées afin d’éviter les pressions que peuvent subir certains venant de toute part.
La profession de journaliste doit être réhabilitée au Sénégal. Aucun journaliste ne peut aller en prison en exerçant de manière honnête et dans le respect des règles déontologiques de sa profession sous prétexte que l'information livrée ne plaît pas au pouvoir. La notion de secret-défense au sens pénal du terme doit être davantage explicitée. La formation des journalistes doit être améliorée dans les aspects déontologiques et le métier protégé. Il ne s'agit pas simplement de l’écrire dans le code de la presse. L'Etat doit aider l'atteinte de cet objectif de formation en permanence des journalistes et personnels de presse.
Par ailleurs, la presse en ligne ne peut être prise en otage par des décisions comme les coupures ou suspension d'internet, leur principal outil de travail. Ce type de répression n'est pas acceptable en démocratie. Au contraire l'Etat doit tout faire pour que dans les territoires le plus reculés du Sénégal qu'il n’y ait pas de zone blanche et que les populations puissent être informés comme partout au Sénégal. D'ailleurs, c'est aussi un instrument de gouvernance important notamment en temps de crise.
La force d'une démocratie c'est aussi la puissance de ses médias et la solidité des droits attachés à la liberté d'expression et la liberté de la presse. Nous devons être fiers de notre presse multiple et diversifiée qui nous informe de ce qui se passe dans notre pays et dans le monde de manière brillante.

E/ Au-delà de la bipolarisation une autre voie est possible voir nécessaire

Les acteurs politiques et de la société civile, le citoyen sénégalais en général que nous sommes, devons rejeter le chantage de la violence et du chaos car ce n'est dans l'intérêt de personne.
Nous devons rejeter les pièges de la bipolarisation du débat politique dans la perspective des futures présidentielles. Nous ne pouvons-nous contenter d'un jeu d'échange d'amabilité entre la coalition au pouvoir et l'opposition.
La conscience citoyenne sénégalaise doit se mobiliser pour qu’enfin, on parle du Sénégal et de ses problèmes.
Les préalables à cela sont :
- une justice respectée et renforcée ,
- une liberté d'expression préservée ,
- une presse soutenue et protégée,
- et un code électoral renforcée pour respecter les droits fondamentaux du citoyen et lutter contre les conflits d'intérêts afin d'assurer des élections présidentielles transparentes et inclusives.

F/De la nécessité de l'action urgente

Je finirais cette contribution en appelant les acteurs politiques à parler du Sénégal et des Sénégalais ; de parler des mesures d'urgence à mettre en place pour
- assainir la vie politique,
- renforcer l'éducation et la formation,
- renforcer les parcours d'insertion par l'emploi et l'entreprenariat des jeunes notamment,
- repenser nos relations avec les structures sociales et cultuelles du pays en valorisant nos acquis,
- consolider nos ressources et nos recettes fiscales afin de recourir moins à la dette,
- structurer davantage et d'équiper nos filières de production,
- renforcer nos moyens de défense dans un contexte sous-régional compliqué où la menace est à nos frontières,
- réinventer nos partenariats internationaux,
- réfléchir aux modalités nouvelles de gestion et de commercialisation de nos futures ressources de pétrole et de gaz ,
- construire de nouvelles solidarités territoriales et humaines avec l'accès à de nouveaux droits comme :
• la retraite ou une allocation minimale vieillesse pour tous
• l'accès à la santé pour tous avec prise en charge totale de certaines pathologies par l'Etat
• l'accès à un logement décent pour tous,
• l’aménagement efficace du territoire avec des infrastructures modernes à l'échelle des territoires,
• l'accès à l'électricité et à l'eau potable pour tous.
• Etc.
Il y a tellement de choses à penser et à faire pour notre pays. Alors de grâce au travail. Ensemble continuons l’œuvre commencée par nos anciens. Soyons digne de notre héritage républicain et démocratique

Amar THIOUNE
Politiste
Amar.thioune38@gmail.com

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