81 ans du Débarquement de Provence: la mémoire effacée des Tirailleurs sénégalais.

15 - Août - 2025

15 août 1944 - 15 août 2025, les Tirailleurs sénégalais ont débarqué en Provence et libéré le Sud de la France dans le contexte la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, après la guerre, beaucoup furent remplacés par des soldats blancs et leur mémoire longtemps oubliée. Aujourd’hui, il est temps de reconnaître leur courage, leur sacrifice et leur rôle central dans la préservation de la mémoire collective.

Aujourd’hui, vendredi 15 août 2025, marque les 81 ans du débarquement allié en Provence. Cet événement, pourtant crucial dans l’histoire militaire contemporaine du Sénégal et des anciennes colonies françaises, reste largement méconnu. À l’époque, alors que la capitale de la France libre était Brazzaville dans une France occupée par les Allemands, les Tirailleurs sénégalais jouaient un rôle décisif dans la libération du sud de la France.

Cependant, après août 1944, le haut commandement français, sous forte influence américaine, procéda à une substitution massive des soldats noirs par des combattants blancs issus des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Ainsi, la mémoire des Tirailleurs sénégalais dans les récits officiels du débarquement de Provence est quasiment inexistante, alors qu’ils représentaient près de 90 % de l’armée française engagée dans cette opération. Le manque de reconnaissance de la France est flagrant, et les dirigeants africains ne font souvent aucun effort pour restaurer cette mémoire restent souvent perçus comme humiliants. En revanche, certaines initiatives sont prises par des Présidents comme Abdoulaye Wade et Bassirou Diomaye Faye pour mettre en lumière les injustices du passé comme le massacre de Thiaroye en 1944 par la France, la revalorisation des pensions militaires...

En 1939, la France entre en guerre avec son empire colonial aux côtés des puissances alliées, opposées aux forces de l’Axe. Mais dès le 10 mai 1940, l’armée française subit une défaite rapide face au rouleau compresseur allemand. Le 18 juin, la France capitule et des milliers de Tirailleurs sénégalais sont massacrés ou déportés dans des camps de prisonniers, victimes de la politique raciste n@zie qui considérait les soldats noirs comme des « sous-hommes ». Parmi ces massacres figurent ceux de Chasselay, Airaines et Erquinvillers, où plus de 3 000 Tirailleurs furent exécutés sommairement entre mai et juin 1940, dont le capitaine Charles N’Tchoréré. L’armée française n’engagea aucune poursuite judiciaire contre ces crimes, même lors du procès de Nuremberg en 1946 qui jugea les crimes n@zis.

Face à la collaboration du régime de Pétain avec l’occupant, Charles de Gaulle appelle à la résistance depuis Londres et crée la France libre dont la capitale est Brazzaville. Pour faciliter l'enrôlement et la mobilisation, De Gaulle nomme un un gouverneur noir en 1940, Félix Eboué (1884-1944), comme avec Blaise Diagne (1872-1934) en 1914, dans les territoires de l’Afrique occidentale (AOF) et équatoriale (AEF). Les Tirailleurs sénégalais participent à des combats décisifs en Afrique du Nord sous le commandement de généraux français tels que Jean de Lattre de Tassigny et Jacques-Philippe Leclerc, notamment à Koufra (février-mars 1941), Bir Hakeim (mai-juin 1942), El Alamein (été-automne 1942).Ces batailles témoignent de leur engagement militaire et symbolique dans la lutte contre le n@zisme. En 1944, alors que la libération du territoire français approche, la conférence de Brazzaville (février-mars 1944) entre de Gaulle et Félix Eboué prépare la mobilisation d’une grande armée coloniale pour participer au débarquement en Normandie en juin 1944. Mais,le Premier ministre britannique Churchill refuse la présence de soldats coloniaux sur le sol britannique, contraignant les Tirailleurs à participer au débarquement de Provence le 15 août 1944. Cette décision du premier ministre britannique montre que la Seconde Guerre mondiale est une guerre raciste et civilisationnelle.

L’Armée B du général de Lattre comptait environ 260 000 hommes, dont 110 000 soldats africains. En plus, les Tirailleurs sénégalais représentaient 20 000 à 25 000 hommes dans les premières vagues, libérant Toulon et Marseille, puis remontant la vallée du Rhône jusqu’en Alsace. Ils durent affronter des conditions climatiques difficiles et subir de lourdes pertes avant d'être remplacés par des soldats blancs français issus de la résistance. Les raisons étaient multiples, la France sous l'hégémonie américaine est obligée de respecter l'homogénéité des unités selon des normes raciales dans un pays où la ségrégation est en vigueur. En plus, il faut préserver les Tirailleurs sénégalais du racisme dans une Allemagne profondément endoctrinée dans le n@zisme, pour justifier le retrait des Tirailleurs sénégalais du front. En plus, le gouvernement provisoire de De Gaulle met en avant des arguments militaires et linguistiques en affirmant que les recrues métropolitaines connaissaient mieux le terrain et la langue.

Malgré leur rôle central, la mémoire des Tirailleurs sénégalais fut longtemps marginalisée. Des témoignages comme ceux d’Issa Cissé ou Alioune Fall soulignent ce sentiment d’ingratitude: « De Gaulle nous a barré la route vers la victoire finale, c’est un colonisateur. Les Français sont bons, mais leurs gouvernants ne l’ont pas toujours été avec nous. Combien de Sénégalais sont morts ? Pour qui ? Pour la France.» Aujourd’hui, des mémoriaux existent, notamment à Fréjus et à Thiaroye, mais les débats persistent concernant la reconnaissance matérielle et morale, souvent inférieure à celle des soldats métropolitains. Cela témoigne la trahison de De Gaulle et ses collaborateurs qui portent pourtant toujours des noms d'édifices publics au Sénégal comme le Général Jean de Lattre de Tassigny, Félix Eboué et autres militaires et fonctionnaires coloniaux...

En somme, les Tirailleurs sénégalais ont été essentiels à la libération de la France, mais leur contribution a été occultée par des logiques militaires, raciales et politiques. La mémoire de leur sacrifice reste partiellement reconnue, faisant de leur histoire un enjeu central pour les relations entre la France et ses anciennes colonies. Honorer leur engagement, c’est reconnaître l’universalité du combat contre le n@zisme et l’injustice historique faite à ces soldats courageux. Cette décision mémorielle engage nos Etats dans une logique de construction de mémoire collective pour le président et l'avenir. D'ailleurs, le corps des Tirailleurs sénégalais a donné au Sénégal dès 1960 une armée professionnelle, républicaine et aguerrie aujourd'hui qui est le bouclier de la Nation.

Maodo Ba Doba

Historien militaire contemporain,

Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité.

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres affichées ci-dessous : Image de Contrôle
Autres actualités

RTEB T2 2025 : L’exemplarité budgétaire au service de la souveraineté nationa...

17 Août 2025 1 commentaires
La publication du Rapport trimestriel d’Exécution budgétaire (RTEB) pour le deuxième trimestre 2025 par le MFB atteste de la solidité et ...
Demande de renseignement

Contactez nous au

07 69 67 77 43

ou