Le discours de Dakar ou les mots qui blessent
Le 26 juillet 2007, Nicolas Sarkozy prononce, sur un ton particulièrement arrogant, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, un discours resté tristement célèbre. « L’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », déclare alors le président français devant des dirigeants africains et de grands universitaires, provoquant un tollé sur tout le continent.
D'ailleurs, derrière cette formule, perçue comme condescendante et paternaliste, se cristallise une vision néocoloniale de l’Afrique, celle d’un continent figé, dépendant du regard européen pour exister. Ce discours, censé ouvrir une “nouvelle ère” des relations franco-africaines, ravive au contraire les blessures du passé colonial et symbolise l’humiliation intellectuelle d’une Afrique réduite au silence.
Il marque le début du climat anti-français en Afrique puis accéléré par l’avènement des réseaux sociaux.
La chute de Kadhafi ou la souveraineté africaine sacrifiée
Quatre ans plus tard, Sarkozy s’illustre à nouveau sur le terrain africain, cette fois dans le sang. En 2011, il devient l’un des principaux artisans de l’intervention militaire en Libye, qui conduit à la mort de Mouammar Kadhafi, qu’il avait pourtant reçu à l’Élysée et dont il avait bénéficié du soutien financier.
Mais derrière la rhétorique humanitaire, beaucoup voient une manœuvre géopolitique en vue d'une fragmentation africaine. Kadhafi portait le projet d’une monnaie africaine unique, indépendante du franc CFA et des institutions financières occidentales. En appuyant sa liquidation, Sarkozy aurait contribué à enterrer un rêve d’autonomie économique pour le continent.
Maodo Ba Doba
Historien militaire contemporain,
Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité.
Centre des Hautes Etudes de Défense et de Sécurité - CHEDS