Le Magal de Touba n’est pas seulement une fête religieuse, c’est un pèlerinage, un hommage historique et un acte de foi collectif qui perpétue la mémoire de Cheikh Ahmadou Bamba. Il renforce la cohésion de la communauté mouride et, plus largement, celle des Sénégalais. Célébré depuis 1928, il commémore le départ en exil du Cheikh au Gabon en 1895, face à l’oppression coloniale. L’édition 2025 aura lieu le mercredi 13 août dans la ville sainte de Touba, l’un des plus grands rassemblements religieux du pays.
Dans le contexte de la colonisation émerge une résistance pacifique. En effet, à la fin du XIXᵉ siècle, après la chute des résistances armées des royaumes de la Sénégambie, le Sénégal passe sous domination française. Une autre forme d’opposition naît alors: la résistance pacifique.
Cheikh Ahmadou Bamba, inspiré par le soufisme, prône un islam centré sur la spiritualité, la paix et l’autonomie morale. Sa confrérie, ancrée dans le Baol, gagne rapidement en popularité, au point d’inquiéter l’administration coloniale.
En 1895, accusé d’appel à l’insurrection, le Cheikh est arrêté et déporté au Gabon (1895-1902), puis en Mauritanie (1903-1907). Malgré ces épreuves, il continue d’enseigner, d’écrire ses poèmes religieux (Khassida) et d’organiser sa communauté avec l’aide de son fidèle disciple, Cheikh Ibrahima Fall. Cette endurance accroît son prestige au Sénégal, en Mauritanie, en Gambie et au-delà. Aujourd’hui, la diaspora mouride perpétue cet héritage à travers le travail, la solidarité et la discipline. Ces mêmes valeurs sont incarnées par les mourides et surtout les célèbres commerçants Baol-Baol très rigoureux et disciplinés dans le travail.
Contrairement aux royaumes Ceddo ou aux mouvements prônant la guerre sainte, Cheikh Ahmadou Bamba refuse la lutte armée. Sa résistance repose sur la patience, la prière, le travail et la foi. Il appelle ses disciples à ne se soumettre qu’à Dieu et à préserver leurs valeurs religieuses et culturelles face à l’école coloniale et à l’influence des bars installés par l’administration pour assimiler aux Sénégalais le modèle de société occidentale. Le mouridisme, branche soufie de l’islam, recherche la proximité avec Dieu par l’amour et la connaissance intérieure. Il porte aussi une dimension panafricaine, affirmant la dignité de l’homme noir contre les idéaux raciaux et suprémacistes liés à la colonisation.
Cependant, la résistance pacifique de Cheikh Ahmadou Bamba gère aujourd'hui un héritage spirituel, social et économique. Autrement dit, à son retour d’exil en 1907, Cheikh Ahmadou Bamba renforce l’organisation de ses disciples et développe Touba, devenue aujourd’hui la deuxième agglomération du Sénégal avec plus de 1,3 million d’habitants. La ville est marquée par son dynamisme économique marquée par le commerce. Son influence perdure dans l’habillement, la présence des talibés, et la singularité des Baye Fall, reconnaissables à leurs dreadlocks, symboles d’humilité et de dévouement inébranlable aux valeurs morales du mouridisme. Les mourides, notamment la diaspora commerçante, contribuent fortement à l’économie nationale et régionale. Ce qui pourrait donner à Touba une place importante dans la Vision 2050 sur le plan économique et du tourisme culturel.
La ville de Touba abrite aujourd'hui des symboles vitaux à l'économie du pays. Car, la Grande Mosquée de Touba, commencée en 1926 par Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké, reste un chef-d’œuvre architectural. Son minaret Lamp Fall, haut de plus de 80 mètres (le plus élevé d’Afrique subsaharienne), rend hommage à Cheikh Ibrahima Fall.
Touba abrite aussi l’Université Cheikh Ahmadou Bamba et le Centre hospitalier Matlaboul Fawzeyni, témoignant de l’œuvre intellectuelle et sociale du mouridisme sous l'égide de Cheikh Ahmadou Bamba.
En somme, on peut dire que la résistance contre l'oppression coloniale française de Cheikh Ahmadou Bamba est une victoire spirituelle durable. Cela est illustré par le que combat a déjoué la répression coloniale en misant sur la foi, la patience et l’autonomie communautaire. Il a fédéré une vaste communauté autour de valeurs durables et construit un mouvement social et religieux autonome faisant partie intégrante de la Nation sénégalaise. Plus qu’un simple leader spirituel, il a façonné l’identité religieuse et culturelle du Sénégal face aux tentatives d’assimilation, laissant un héritage toujours vivant.
Bon Magal 2025 à tous les fidèles.
Maodo Ba Doba
Historien militaire contemporain,
Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité.
Bon magal