Entretien exclusif avec M. Massaer Diané, sénégalais, Président ANOLF de Venise : “Mon rôle consiste à assister les immigrés sur leurs procédures administratives intéressantes leur séjour en Italie”
Il fait partie des sénégalais qui se sont bien intégrés dans la société italienne. Massaer Diane, est passé d’immigré charpentier à président territorial d'Anolf Venise.
En 2004, il rejoint le syndicat en occupant divers postes dans le domaine de la représentation des travailleurs immigrés. Voici l’entretien qu’il nous a accordé.
Pouvez vous brièvement dire à nos lecteurs qui est Massaer Diané ?
Je suis sénégalais, né à Kaolack et âgé de 49 ans.
Après mes études, j’ai travaillé dans une entreprise à Kaolack comme responsable commerciale pendant plus de 5 ans, donc de 1995 jusqu’en janvier 2001. Deux mois plus tard, le 25/03/2001 j’ai quitté le Sénégal pour venir en Italie à Venise, la province que j’ai choisie avec ma famille.
Comment êtes vous arrivé à cet important poste de responsabilité ?
En Italie, j’ai eu la chance de me régulariser un an après mon arrivée grâce à la loi BOSSI -FINI de 2002 donc de là j’ai été embauché dans une entreprise de ventes de matériel d’hôtellerie comme technicien réparateur. Pendant plusieurs années j’ai été chargé dans la même entreprise de la gestion des machines, des produits et du transport au niveau de l'île.
c’est seulement en 2004 que je me suis rapproché du syndicat (Confédération Italienne du Syndicat des Travailleurs– C.I.S.L) en m' inscrivant pour devenir un membre.
Dans cette organisation j’ai milité pendant plusieurs années en tant que membre simple volontaire-activiste et j’ai participé à plusieurs manifestations et événements organisés pour défendre le droit des travailleurs et des immigrés notamment. Donc j’ai toujours aimé être aux côtés des plus faibles donc mon rapport avec le syndicat est né dans ces longues années de militance.
j’ai été élu pour la première fois comme Co-Presidente de l’ANOLF de Venise en 2005 et dans cette même année j’ai été élu Vice Président de la Communauté Islamique de Venise de 2005 en 2008 avant d'être élu Vice Président du Conseil Provinciale des Immigrés de Venise de 2010 à 2012 donc j’ai toujours aimé adhérer dans les mouvements socio-culturels et religieux.
J’ai aussi revêtu plusieurs rôles au sein de la communauté sénégalaise de la province de Venise à partir du Dahira SAADUL MUSSAFIR comme Président de 2009 à 2019 et à l’association de la communauté sénégalaise de Venise ou j’ai été le Secrétaire général pendant plusieurs années.
Donc je suis arrivé à cet important poste de grande responsabilité après un long parcours de militantisme, de bénévolat au niveau de plusieurs structures et qui m’a permis d'acquérir un important bagage professionnel en termes d’ expérience et de connaissances me permettant de pouvoir d’être en relation avec les gens et donc de jouer mon rôle de responsable.
c’est en 2014 en juin que la CISL m’a choisi comme responsable du bureau chargé des affaires de l’immigration (Ufficio Immigrazione Cisl Venezia) en plus de mon rôle de Président de l’ANOLF de Venise renouvelé en 2021.
Quel sera principalement ton rôle ?
Mon rôle consiste à assister les immigrés sur les procédures administratives intéressant leur séjour en Italie, donc leur servir de support, de consultant mais aussi de défenseur de leurs droits vis-à-vis des autorités et de ceux qui les compromettent.
Mon rôle dans cette organisation syndicale est aussi politique après celui d’expert en matière d’immigration.
les questions politiques du phénomène de l’immigration doivent être affrontées à travers la confrontation, la sensibilisation et la dénonciation des pratiques jugées hors loi qui sont souvent appliquées au détriment des immigrés donc en organisant des séminaires sur des thèmes bien précis, en dialoguant avec les pouvoirs politiques ,institutionnels , les organisations privées et les associations et la société civile donc il est absolument nécessaire de tisser des rapports de collaboration avec toutes les couches du Territoire ainsi on parvient à affronter les problématiques et trouver des solutions appropriées.
Certains croient dur comme fer que la Vénétie est une zone hostile à l’immigration. Qu’en est-il exactement ?
Qui connait l’histoire de la ville de Venise sait qu’il s’agit d’un territoire de rencontre de toutes les couches sociales, Venise était la capitale de la république de la serenissima au 17eme siècle avant la réunification de l’Italie (17 Mars 1861) donc c'était une terre de rencontre et d'échanges commerciaux des peuples donc cette ville a toujours été accueillante et au delà de son aspect touristique. il est évident que dans toutes les villes du monde il y’a toujours une partie des populations qui n’accepte pas la présence des étrangers et donc refuse la diversité et donc combat l'intégration donc ca peut se comprendre mais Venise a toujours été un modèle d'intégration qui servait de laboratoire pour les autres communes de la Région Venetie et d’italie j’ose dire.
Il est cependant à noter que l’Etat italien au niveau national n'a pas voulu activer des politiques qui vont dans le sens de l'ouverture et l'intégration au vrai sens du mot des immigrés en réformant la norme législative qui régit la vie et la condition de séjour des immigrées en Italie et qui est en vigueur depuis le 25 juillet 1998 à part quelques retouches introduites avec la loi Bossi-Fini du 30 juillet 2002 au moment aujourd’hui les immigrés comptent environ 5.756.0000 soit 10% de la population nationale donc cette loi qui ne correspond plus à la situation actuelle contraste d’avec toute possibilité d'intégration et cela se répercute dans la gestion du phénomène au niveau des territoires et dans ce sens nous sommes en train de travaille à plusieurs niveaux pour une meilleure prise en considération de la nature du phénomène de l’immigration qui est jusqu’ici considéré par l’Etat italien non structurel. Et donc la majeure partie des normes juridiques et législatives prises par le gouvernement italien sont mesurées dans un temps limité et sont considérées comme étant des mesures d’urgence.
J’ajoute aussi qu' il est de notre rôle de sensibiliser les immigrés sur le respect des lois et normes en vigueur dans ce pays et que certains ignorent complètement et celà crée souvent des hostilités avec les autorités et les populations elles-mêmes.
On note que de plus en plus les Sénégalais occupent d’importants postes de responsabilité dans les plus grandes centrales syndicales. Quel commentaire en faites vous ?
Nous sénégalais généralement, selon moi, hommes et femmes avons d’une part la chance d’être dotés d’une grande culture civilisationnelle notamment religieuse qui nous permet d’évoluer sans complexe et avec dignité dans tous les coins du monde et sans perdre nos repères et nos valeurs de solidarité, de respect de l’autre et d’autre part nous jouissons d’une capacité extraordinaire et du sérieux en tout ce que nous faisons et tout cela nous permet de gagner la confiance des dirigeants et des collègues au niveau des entreprises et des organisations où nous évoluons et cela s'est démontré par le rôle et la responsabilité des sénégalais aujourd'hui au sein des grandes organisations syndicales mais aussi dans d’autres secteurs dans ce pays.
La crise qui avait secoué l’Europe n’avait pas du tout épargné l’Italie. Comment se porte le monde du travail à l’heure actuelle ?
Le monde en général et en particulier l’Europe a traversé dans les onze dernières années plusieurs crises ; crise économique du 2011 et ensuite sanitaire Covid-2019,toutes deux ont impacté gravement l'économie mondiale drainant comme conséquence énormes problèmes sociaux au sein des populations et des travailleurs en particulier avec la perte notamment de plusieurs postes d’occupation. Et donc d’un taux de chômage très élevé.
Ces crises n’ont pas épargné le monde du travail en Italie donc a beaucoup affecté les organisations syndicales dans la gestion des problématiques souvent très compliquées de par leur nature et des circonstances dans lesquelles on se trouve.
Malgré tout, les organisations syndicales en Italie ont affronté l’ensemble des ces crises avec responsabilité en concert avec le gouvernement. Et ce rôle a contribué à la mise en place des réformes de la part de l’Etat et cela a permis d'apporter des solutions à certains nombreux problèmes. on espérait une reprise économique avec la fin de la crise sanitaire covid-19 donc un retour à la normalité pour l’occupation des travailleurs mais avec l'événement de la guerre Russo-ukraine en cours on risque une autre crise non seulement humanitaire mais également alimentaire et qui aura des conséquences néfastes pour l'économie. Donc pour les travailleurs en général.
Avec le recul et l’expérience que vous avez acquise dans le milieu syndical italien , quelle appréciation faites-vous du syndicalisme au Sénégal ?
Je dois être très sincère avec vous en vous disant que je ne connais pas assez le monde syndical sénégalais mais j’ai l'impression qu’il y a trop de sigles syndicaux selon moi, du point de vue de l'évolution démocratique c'est appréciable mais peut miner la crédibilité et l'efficience du rôle d’une organisation syndicale au moment d’affronter l’Etat ou bien le Patronat sénégalais pour négocier des réformes ou même réclamer des droits pour les travailleurs qu’ils représentent.
Donc travailler pour faire conclure le maximum de sigles dans les centrales syndicales les plus représentatives qui existent déjà au Sénégal. Cela leur permettrait de mon point de vue d'affronter les nombreux défis auxquels ils sont appelés à faire face.
J'espère qu' un jour celà pourra se réaliser pour le bien de tous les travailleurs sénégalais.
Vive le mouvement syndical sénégalais.
Entretien : Malick Sakho
