Sénégal-France: fin de la présence militaire et début de la diplomatie du charme par un soft power qui remplace le hard power traditionnel.

28 - Août - 2025

La visite officielle du Président Bassirou Diomaye Faye à l'Élysée entamée aujourd'hui nous permet de penser une probable nouvelle doctrine diplomatique française vis-à-vis du Sénégal. Le Président sénégalais salue l’accueil du Président français Emmanuel Macron et réaffirme la volonté de renforcer la coopération bilatérale à travers cette déclaration: « Ce petit-déjeuner nous a permis d’échanger sur la revue du portefeuille de nos programmes de coopération et de réaffirmer notre volonté commune de renforcer la relation bilatérale dans des domaines tels que l’investissement, le commerce, la défense et la sécurité ».

Les axes de cette coopération semblent donc porter sur l’investissement, le commerce, la défense et la sécurité, l’éducation et la culture ainsi que le développement et l’aide humanitaire. Dès lors, après des siècles de domination coloniale et néocoloniale, la France cherche à maintenir son influence stratégique et à conserver le Sénégal comme pivot géopolitique en Afrique de l’Ouest, face à la concurrence de la Chine, de la Turquie et la Russie voire des BRICS surtout après les fructueuses visites officielles d’ Ousmane SONKO. Le Président Macron déroule ainsi le tapis rouge au seul acteur géopolitique de la région ouest-africaine avec des institutions politiques, économiques et militaires solides pour rester dans une logique de diplomatie compétitive en s'appuyant sur le Sénégal.

Toutefois, les militaires français ont officiellement quitté le Sénégal fin juillet 2025, mettant fin à une présence militaire permanente de plus de deux siècles suite à une demande du Président sénégalais Bassirou Diomaye Faye. Il s'agit moins d’un retrait que d’un réalignement stratégique dont la France doit désormais assurer une présence basée sur son attractivité culturelle, éducative et économique. Cela veut dire que le soft power doit l’emporter sur le hard power. La politique de hard power, dont les termes sont vulgarisés par de grands politologues, géopolitologues ou historiens militaires contemporains tels que Raymond Aron, Emmanuel Todd ou Zbigniew Brzezinski, est un pouvoir basé sur la force, la contrainte ou les incitations matérielles. En résumé, c'est la politique de la "carotte ou du bâton", basée sur une obéissance par la force en collaboration avec des marionnettes africaines. La France a toujours pratiqué cette politique dans ses anciennes colonies, à l’instar des États-Unis dans certains pays du monde. Tels semblent être l'exemple de la guerre en Irak en 2003, l’assassinat de Thomas Sankara en 1987 au BurkinaFaso, la crise ivoirienne pour installer Alassane Ouattara en 2010-2011, les sanctions économiques contre l’Iran ou le Venezuela.

Cependant, le peuple sénégalais souverain opte pour une politique de rupture vis-à-vis de ces pratiques hégémonique occidentales. C'est dans ce contexte que le peuple sénégalais a élu le Président Bassirou Diomaye Faye pour mettre fin à la politique néocoloniale en place depuis 1960. L'aspiration à une indépendance complète, porteuse de progrès significatifs, est la motivation principale de l'élection d'un gouvernement souverainiste avec le projet de rupture de Pastef. A cela s'ajoute une reconfiguration du contexte géopolitique des grands ensembles africains. Donc, la France doit s'adapter dans la mesure où la politique du hard power ne fonctionne plus dans ses anciennes colonies qui ont la détermination d'affirmer leur souveraineté nationale comme au Mali, Burkina Faso, Niger, Centrafrique, le Tchad, voire le Sénégal.

Par conséquent, la visite du Président Faye pourrait faire basculer progressivement la diplomatie française au Sénégal vers le soft power, une politique étrangère basée sur la séduction pour convaincre ou influencer sans recours à la contrainte ou à des sanctions économiques ou militaires. Cela se manifeste par l’attractivité des instituts français, élargissement des domaines des ambassades et consulats (les attachés militaires pour l'espionnage et le traitement des renseignements) sur l'ensemble du territoire sénégalais, les universités et école françaises ou l'installation de grandes entreprises françaises pour un contrôle économique du Sénégal. À cela s’ajoute une présence française de plus en plus visible auprès des lutteurs comme Modou Lo, roi des arènes, démontrant une volonté d’avoir une visibilité sur la scène politique sénégalaise pour défendre ses intérêts stratégiques et vitaux dans le pays et la sous-région. Cela illustre bien la nouvelle diplomatie du soft power français au Sénégal.

Maodo Ba Doba

Historien militaire contemporain,

Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité.

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