Economie

L'érosion préoccupante des libertés publiques, ou l'urgence d'un sursaut républicain par Al Hassane NIANG Pdt de Jiitël Wareef – Le Devoir en Mouvement Dakar, le 12 juillet 2025

12 - Juillet - 2025

La trajectoire démocratique du Sénégal, jadis saluée, semble engagée sur une pente inquiétante. Une succession d'actes répressifs visant des figures médiatiques et politiques – la garde à vue actuelle du chroniqueur Badara GADIAGA, l'arrestation en juin du journaliste Bachir FOFANA et de l'ancien député Moustapha DIAKHATE, la détention provisoire d'Abdou NGUER sans omettre Assane DIOUF et d'autres citoyens dans l'attente de leur jugement – dessine le contour d'une sphère publique asphyxiée. Les motifs invoqués, invariablement des « outrages à autorité publique », « diffusions de fausses nouvelles » ou « propos contraires aux bonnes mœurs », révèlent un arsenal juridique aux contours délibérément flous, aisément mobilisable contre toute parole dissonante. Cette tendance, loin d'être fortuite, trouve un sinistre couronnement dans l'arrêté ministériel du 22 avril 2025 suspendant arbitrairement des médias jugés « non conformes ». Si l'exigence d'un débat responsable et civilisé est incontestable, elle ne saurait légitimer la criminalisation systématique de l'opinion critique, pratique hélas récurrente mais aujourd'hui portée à un paroxysme alarmant.
La diversité des profils visés – journalistes, anciens élus, voix influentes des médias, réseaux sociaux, citoyens engagés – témoigne d'une volonté systémique de réduire au silence toute expression perçue comme subversive par le pouvoir. Les chefs d'inculpation utilisés, par leur nature éminemment subjective et leur plasticité, constituent moins des infractions définies que des outils de contrôle politique. L'« outrage » redevient l'outil de prédilection pour réprimer la critique légitime ; les « fausses nouvelles » servent à étouffer des informations gênantes, sans distinction claire avec l'erreur ou l'analyse divergente ; les « bonnes mœurs » relèvent d'un arbitraire moralisateur. Cette judiciarisation de la parole dissidente est un détournement de l'esprit des lois.
La garde à vue prolongée et la détention provisoire, infligées avant tout jugement au mépris du principe de présomption d'innocence, ne sont pas de simples mesures procédurales. Elles constituent une punition préventive, un avertissement glaçant adressé au corps social tout entier sur le prix de la franchise. Badara GADIAGA, Bachir FOFANA, Moustapha DIAKHATE, Abdou NGUER, Assane DIOUF et tant d’autres citoyens en font aujourd’hui les frais. Cette tentative de musèlement fait suite à une autre régression manifeste marquée par l'arrêté ministériel du 22 avril 2025. En suspendant unilatéralement des organes de presse sous un prétexte vague, l'exécutif franchissait le Rubicon de la censure administrative directe, sapant un pilier essentiel du débat démocratique sénégalais et instaurant un climat délétère d'autocensure.
Il va sans dire que l'appel à la responsabilité dans l'expression publique doit être fondé. Un échange d'idées constructif exige le respect des personnes et la vérification des faits. Toutefois, invoquer cette responsabilité pour justifier des poursuites pénales et des privations de liberté contre des opinions ou des analyses critiques constitue un contresens démocratique majeur et une dangereuse dérive. La frontière entre critique acerbe et diffamation, entre débat vigoureux et « propos contraires aux bonnes mœurs » ou « diffusion de fausses nouvelles », doit être tracée avec une extrême précision légale et garantie par une justice indépendante et impartiale. La réponse ne peut résider dans l'arbitraire policier ou judiciaire. La « responsabilité » ainsi invoquée devient alors le masque commode d'une répression politique.
Cette focalisation obsessionnelle sur le contrôle de la parole engendre des conséquences profondément néfastes pour l'avenir même de notre nation et notre capacité à vivre ensemble. Alors que notre pays est aux prises avec des défis capitaux – surendettement, inflation galopante, chômage massif, déficiences criantes des services publics, insécurité croissante –, l'appareil d'État consacre des ressources disproportionnées à la surveillance et à la répression des voix critiques. Cette inversion des priorités est une trahison des attentes légitimes de la population.
En étouffant le pluralisme des opinions et en instaurant un climat de crainte, le pouvoir s'isole de la réalité sociale et se prive des analyses, des alertes et des propositions innovantes nécessaires à la résolution des problèmes complexes. Une démocratie qui ne tolère pas la contradiction s'aveugle elle-même. Cette dérive autoritaire mine la crédibilité des institutions, alimente le cynisme citoyen et ternit irrémédiablement la réputation internationale du Sénégal, avec des répercussions potentielles sur sa stabilité et son attractivité. La répression ne produit qu'une paix factice et précaire. En refoulant les frustrations et en interdisant les canaux d'expression pacifique, elle prépare le terrain à des explosions sociales autrement plus violentes.
Le gouvernement doit impérativement renouer avec les valeurs fondamentales du pacte républicain et démocratique. La protection de la liberté d'expression, la promotion de la tolérance et le respect de la diversité des opinions doivent être consacrés de façon effective. Cette exigence passe par la libération immédiate de Badara GADIAGA, Bachir FOFANA, Moustapha DIAKHATE, Abdou NGUER, Assane DIOUF et toutes les personnes détenues pour l'exercice pacifique de leur liberté d'expression et l’abandon des poursuites abusives engagées sur des bases liberticides. Cette exigence nécessite en outre une révision urgente et substantielle du Code pénal et du Code de la presse pour abroger ou circonscrire strictement les dispositions floues (outrage, fausses nouvelles, bonnes mœurs) permettant la criminalisation de la parole. L’abrogation de l'arrêté ministériel du 22 avril 2025 et la réintégration pleine et entière des médias suspendus ne doivent pas être en reste.
La grandeur du Sénégal ne se mesurera pas au silence qu'il impose, mais aux défis qu'il relève. La liberté d'expression n'est point un privilège, mais l'oxygène de toute démocratie digne de ce nom et le levier indispensable de son progrès. Continuer d'emprisonner les penseurs tandis que brûlent les urgences nationales relève de l'imposture politique. Le temps est venu de choisir entre l'étouffoir des libertés et la construction exigeante d'un avenir commun. La République mérite mieux qu'un régime de la peur ; elle exige un sursaut de raison et de dignité.

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