Remaniement du 6 septembre: sécurité, justice et diplomatie, Diomaye rebat les cartes du pouvoir.
Le Président Bassirou Diomaye Faye en collaboration avec son Premier ministre, Ousmane SONKO, a procédé, le 6 septembre 2025, à un remaniement ministériel majeur. Dans un contexte de quête de souveraineté totale, ce réajustement combine continuité et renouvellement, avec des personnalités expérimentées aux postes stratégiques pour répondre aux défis sécuritaires, politiques, diplomatiques, universitaires et urbains.
Un ministère de l’Intérieur au cœur de la souveraineté.
Le changement le plus notable concerne le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, confié à Mouhamadou Bamba Cissé. Ce portefeuille stratégique doit jongler entre sécurité, stabilité politique, gestion administrative et protection civile, dans un contexte marqué par la pression démographique, l’immigration sous-régionale et la menace jihadiste venue du Sahel. C'est pourquoi le Sénégal a besoin d’une politique migratoire rigoureuse devant des frontières poreuses. La surveillance et le fichage des étrangers sont évoqués comme urgences, avant toute intégration par l’éducation et la formation. L’enjeu est aussi fiscal, car les étrangers résidant au Sénégal pourraient contribuer, comme les Sénégalais de la diaspora, au financement du pays.
Mais la réforme sécuritaire doit se distinguer des pratiques autoritaires héritées de la colonisation. Le peuple attend des forces de l’ordre disciplinées, loin des bavures policières qui ont marqué la résistance contre le régime de Macky Sall (2021-2024). Des équipements modernes (caméras portatives), un maintien de l’ordre lors des manifestations et la lutte contre la délinquance urbaine sont au programme.
Justice, l’attente des victimes.
Le changement au ministère de la Justice répond à une demande pressante. Dix-huit mois après l’arrivée de Diomaye au pouvoir, aucune enquête sérieuse n’a été ouverte sur les crimes commis sous Macky Sall: 80 manifestants tués, plus de 2000 victimes de répressions et de violations des droits humains. A cela s'ajoutent les crimes financiers commis par des membres du régime sortant toujours aucune poursuite judiciaire contre eux. Les Sénégalais exigent une justice indépendante, capable de déterminer les responsabilités des forces de l’ordre et des donneurs d’ordres. Cependant, une telle démarche pourrait ébranler l’État, mais elle renforcerait la crédibilité de ses institutions. Enquêtes rigoureuses, poursuites crédibles, réparations concrètes et réformes structurelles sont attendues pour restaurer la confiance entre l’État et les citoyens.
Diplomatie et intégration africaine.
Le ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, désormais dirigé par Cheikh Niang, prend une dimension stratégique. Le Sénégal veut rayonner sur la scène régionale et internationale, défendre ses intérêts économiques (notamment les hydrocarbures), protéger sa diaspora (montée de l'extrême droite en Occident et en Mauritanie) et renforcer la coopération sécuritaire face aux menaces sahéliennes. Sur plan militaire, le maintien du Général Birame Diop aux Forces armées garantit la continuité face à la menace des groupuscules terroristes. L’Armée nationale par le biais du GARSI poursuit leurs patrouilles aux frontières avec le Mali et la Mauritanie. L’objectif stratégique est d'assurer la sécurité intérieure tout en étendant l’influence géopolitique du Sénégal.
Urbanisme pour bâtir le Sénégal de demain.
Enfin, les ministères des Infrastructures et de l’Urbanisme se voient confier une mission clé pour adapter le pays aux défis démographiques et climatiques. Le projet Dakar Métropole 2050 et les pôles urbains régionaux doivent permettre de lutter contre les inondations, moderniser les infrastructures et créer une architecture urbaine en phase avec la croissance économique et démographique. La confiance renouvelée au nouveau ministre de l'enseignement supérieur, Daouda Ngom et la continuité au ministre de la communication, Alioune SALL, participent à la consolidation aux acquis déjà posés pour bâtir un Sénégal souverain, juste et prospère.
Maodo Ba Doba
Historien militaire contemporain,
Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité,
Membre du Moncap-France.
