Hommage aux 93 soldats sénégalais morts lors de la Guerre du Golfe en 1991 et à tous les vétérans victimes de troubles post-traumatiques, d’angoisses et de cauchemars récurrents.

27 - Août - 2025

En septembre 1990, le Sénégal répondait à l’appel de l’Arabie Saoudite et des Nations unies en envoyant un contingent de 495 soldats participer à l’opération "Bouclier du désert", prélude à l’offensive "Tempête du désert". Les Jambaars avaient pour mission de protéger le Koweït et l’Arabie Saoudite contre l’avancée des forces irakiennes de Saddam Hussein. Déployés dans le secteur stratégique de Safania, sur les champs pétrolifères, ils assuraient la défense d’un territoire crucial pour la stabilité énergétique mondiale et la paix au Moyen-Orient. En effet, la coalition internationale de 35 pays regroupait les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Égypte, l’Arabie Saoudite, le Nigeria, le Niger, le Sénégal, le Koweït, la Turquie ou l’Italie. La mission sénégalaise s’inscrivait dans un contexte inédit, celui de la première guerre post-Guerre froide, où les États-Unis et ses alliés de l'OTAN cherchaient à démontrer leur supériorité militaire tout en respectant les résolutions 660 du Conseil de sécurité pour défendre leurs intérêts vitaux et stratégiques au Moyen-Orient.

Les soldats sénégalais affrontaient des conditions extrêmes avec une chaleur accablante, un désert infini et une menace constante des missiles Scud irakiens. Leur courage et leur discipline ont permis de tenir des positions déterminantes et de contribuer au succès de la coalition. En février 1991, le Président Abdou Diouf et son Ministre des Forces armées, le Général Médoune Fall, se rendent sur le terrain pour leur remonter le moral à l'image du Président américain, Georges Hubert Bush et du Premier Ministre britannique John Major. Ce geste est salué par le peuple sénégalais comme un signe fort de soutien. Toutefois, le 21 mars 1991, un drame frappa le contingent sénégalais lorsqu'un avion de transport de troupes, Hercules C-130, s’écrasa, emportant 93 de nos soldats et blessant grièvement les autres. La mission fut plongée dans le deuil, mais l’engagement de ces hommes pour leur pays et la paix internationale ne faiblit jamais. Pendant de longues heures, leurs frères d’armes secoururent les survivants et rendirent hommage aux corps calcinés avant de procéder aux sépultures sur le sol saoudien. L’émotion et la dignité avec lesquelles cette épreuve fut affrontée témoignent de la force morale et du courage des Jambaars.

Le rôle du Sénégal fut reconnu par le roi Fahd Ben Abdel-Aziz Al-Saoud et le prince héritier Ben Khaled Sultan, qui exprimèrent leur gratitude pour le sacrifice et la bravoure de nos soldats. Équipés et soutenus par le royaume, nos hommes firent preuve d’un professionnalisme exemplaire, défendant non seulement des positions stratégiques mais aussi l’honneur du pays. Le contingent sénégalais incarna la solidarité africaine et l’esprit de service, allant bien au-delà des frontières nationales. Cependant, chaque alerte des missiles Scud faisait bondir leur cœur, chaque explosion résonnait comme un tremblement de terre. De retour au Sénégal, les cauchemars et l’angoisse les suivirent à travers des troubles post-traumatiques, d’angoisses et de cauchemars récurrents. Ils avaient survécu au désert, mais le désert continua de vivre en eux, symbole éternel de leur courage et de leur sacrifice sous l'autel de la grandeur de Nation sénégalaise.

Cependant, une semaine après le drame, le prince Ben Khaled Sultan, chef d’état-major des forces saoudiennes et commandant de la coalition, se déplaça pour présenter les condoléances du roi. L’Arabie Saoudite, reconnaissante, n’a jamais oublié ce sacrifice. Les Jambaars avaient été équipés avec chars d’assaut, hôpitaux de campagne, ponts de franchissement et tout un arsenal moderne. Le royaume avait également promis un soutien financier durable pour les familles endeuillées. Pourtant, au retour, l’amertume remplaça la fierté. Les vétérans reçurent une prime dérisoire d’un million de francs CFA chacun et les familles des défunts à peine quarante mille francs CFA de plus. Face à l’immensité de leur sacrifice et aux promesses non tenues, la colère grandit. Les soldats et les familles créèrent alors une association pour défendre leurs droits. En 1992, le New York Times révélait que les pays membres de la coalition avaient reçu près de 94 milliards de dollars de la part de l’Arabie Saoudite, du Koweït et des Émirats arabes unis. Cette révélation raviva les débats et les blessures, le mystère autour de la gestion de ces fonds n’ayant jamais été levé.

Au terme de notre analyse nous pouvons dire qu'aujourd’hui, plus de trente ans après ces événements, le souvenir des Jambaars de la Guerre du Golfe reste gravé dans la mémoire nationale. Leur engagement, leur courage face à la mort et leur dévouement pour la sécurité internationale constituent un héritage que le Sénégal se doit de perpétuer en les insérant dans les manuels scolaires. Que le sacrifice de ces hommes, tombés loin de leur terre natale, inspire toujours la jeunesse et rappelle la valeur inestimable de l’honneur, de la loyauté et de la fraternité entre soldats pour la survie éternelle de la Nation sénégalaise.

Maodo Ba Doba

Historien militaire contemporain,

Professeur en Études stratégiques de défense et politiques de sécurité.

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