Entretien exclusif avec Malèye Seck, Mouvement l’Alliance des Bâtisseurs «Une réflexion lucide et engagée sur l’avenir du Sénégal»
Dans ce numéro de Diaspora, nous donnons la parole à Monsieur Meleye Seck, acteur engagé et membre actif de la diaspora. À travers cette interview, il revient sur son parcours académique et professionnel, présente le mouvement qu’il porte avec conviction, et partage son analyse de la situation politique actuelle du Sénégal. Une réflexion lucide et engagée sur les défis et les espoirs d’un pays en pleine mutation.
Pouvez-vous nous retracer brièvement votre parcours académique et professionnel ?
Je m’appelle Meleye Seck ne et grandi à Thiès dans le populeux quartier de Medina Fall. Après mon baccalauréat en Série A3 au Lycée Malick Sy, j’ai rejoint l’UGB en octobre 1994 et y ai obtenu un DEA en Littérature comparé. Après un an en tant que Professeur de Français au Lycée de Foundiougne, j’ai rejoint l’Institut d’Etudes Européennes de l’Université de Genève ou j’ai obtenu un Master en 2003. De 2003 à 2007 à Genève j’ai eu à travailler dans l’enseignement, la diplomatie et les finances avant de rallier l’Angleterre en juillet 2007 dans le but d’acquérir une expérience internationale dans un pays anglophone. En 2009 je me suis inscrit au London School of Accountancy and Management. Après cette formation, je me suis intéressé au monde du Trading et du Commerce international que je n’ai pas quitté depuis. Je suis présentement fondateur et directeur d’une entreprise de Trading dans le domaine de la technologie.
Qu’est-ce qui vous a poussé à vous engager dans la vie publique et politique ?
Its a calling comme me disait un ami. C’est répondre à un appel, de qui je ne sais pas. Mais en tout cas c’est une mission, un sacerdoce qu’on remplit pour sa communauté. J’ai de l’ambition pour moi-même et je traduis cette même ambition pour ma communauté, pour mon peuple. Pour moi une réussite individuelle et personnelle est une bonne chose. Mais une réussite collective en est une excellente chose. Je dois aider ma communauté, mon peuple à améliorer ses conditions de vie et d’’existence comme j’ai réussi à améliorer les miennes propres. S’engager dans la politique est un acte d’humanisme pour moi. A mon entendement, la politique c’est une entreprise humaine visant à l’amélioration des conditions matérielles et morales de la société.
Y a-t-il une expérience ou un moment décisif qui a forgé votre engagement citoyen ?
Oui, je suis né dans un quartier populaire, avec plus de 70.000 âmes, faisant de lui l’un des quartiers les plus populeux du Sénégal. Mais les infrastructures primaires de base y sont absentes ou inexistantes : assainissement, établissements scolaires (que 3 dans tout le quartier avec des effectifs pléthoriques), un seul lycée à cycle long (d’ailleurs le seul lycée a cycle long de Thiès 6eme jusqu’à terminale) marchés (zéro marché, zéro supermarché), infrastructures sportives (toute la commune Nord de Thiès n’a pas de stade), déficit d’éclairage public, insécurité galopante, la liste est longue. C’est ce qui m’a poussé à s’engager en tant que fils de Medina Fall et croyant que c’est par manque de personnalité et ou d’autorité politique que le quartier est oublie des politiques publics. Quelques temps après mon engagement, je me suis rendu compte que ce sont les mêmes maux presque partout au Sénégal
Comment est née l’Alliance des Bâtisseurs ? Quelle était la motivation initiale ?
L’Alliance est née dans le quartier de Medina Fall à Thiès. Des habitantes et habitants du quartier après diagnostic des difficultés des populations ont convenu de mettre avec moi ce mouvement politique pour faire entendre notre voix. Medina Fall étant l’un des plus grands quartiers de toute la région de Thiès. La population de Medina Fall est supérieure à celle de Khombole, Kayar, Pout réunies mais n’a jamais eu de personnalité politique nommée par Décret au rang de ministre, DG ou PCA. Qui gagne Medina Fall, gagne Thiès dit-on dans le langage électoral, mais le quartier reste finalement qu’un grenier électoral à la merci des politiciens. Alors les populations de Medina Fall, de la commune Nord et de Thiès ont décidé d’accompagner mon engagement politique pour apporter des rectificatifs, rétablir une équite territoriale. Les Sénégalais vivent dans les quartiers, les communes, les régions et la densité démographique de certains quartiers mériterait beaucoup une attention particulière. Les problèmes de sécurité, de sante publiques, d’assainissement et d’éducation sont frappants dans certains quartiers. L’Alliance est née d’un sentiment de frustration, d’oubli et d’inconsidération des autorités publiques envers des populations laissées à elles-mêmes depuis l’aube des indépendances.
Quels sont les principes fondamentaux et les valeurs que porte votre mouvement ?
L’Humanise au cœur de l’action politique est notre devise. Le marxisme léninisme, le communisme, le socialisme, le libéralisme, le centrisme sont tous morts comme doctrines politiques car ayant à un moment donne oublie la personne humaine, ses soucis et malheurs, ses peines et supplices. Nous sommes sur cette terre pour y vivre heureux et bien. Toutes les ressources qui y naissent doivent servir et accompagner l’homme dans son séjour sur cette planète. L’On constate amèrement aujourd’hui que seuls 20 % des humains jouissent de 80 % des ressources. Le déséquilibre dans la distribution des richesses est tel que la plus grande majorité des humains vivent dans une grande pauvreté avec peu ou pas d’accès aux besoins primaires. Le Sénégal est inclus dans ce schéma. Alors on a décidé avec l’Alliance des bâtisseurs de faire revenir et d’implémenter politiquement les vraies valeurs humaines. Il y a assez de ressources humaines, matérielles dans chaque pays pour le développer et faire épanouir ses habitants. Je me propose de fournir de très bonnes écoles et universités aux sénégalais, des hôpitaux a la hauteur de la dignité humaine, des infrastructures (routes assainissement, aéroport, métros, tramways, ports de pêche et d’embarcation) de très bonnes formations et de l’emploi aux sénégalais. Nous ferons retrouver aux sénégalais leur dignité économique soubassement et muraille des valeurs morales et éthiques
Comment travaillez-vous avec les citoyens sur le terrain ?
Le terrain est devenu plus virtuel que physique. Il est accessible partout grâce aux nouveaux moyens de communication et d’information. Aujourd’hui le citoyen sénégalais aspire au progrès, au développement. Le monde est interconnecté, un seul village planétaire ou le citoyen du fond du Senegal possède les mêmes aspirations que le parisien, le milanais, le qatari ou n’importe quel autre citoyen. Grace aux nouvelles technologies, les citoyens savent identifier et décrypter le message politique disponible sur YouTube, TikTok, Facebook, Instagram, et à la télévision. Par ailleurs même avant notre engagement en politique, j’étais sur le terrain du social. L’Alliance apporte son soutien aux populations défavorisées lors des fêtes religieuses, aux écoles en matériels didactiques et aux postes de sante en matériels médicaux. L’Alliance des bâtisseurs a été toujours ancrée à la communauté dans elle reste très attachée.
Avez-vous une stratégie d’implantation nationale ?
L’Alliance des bâtisseurs est un concept, une idéologie. L’humanisme est en chacun de nous. Tout le monde est bâtisseur. L’homme est par nature bâtisseur. Pas seulement au sens de construire des maisons ou des ponts mais aussi au sens de façonner son environnement, ses idées, ses relations et son avenir. Depuis la préhistoire, il a dressé des abris, cultive la terre, élevé des monuments, mais il a aussi bâti des civilisations, des savoirs et des valeurs. Être bâtisseur, c’est avoir cette capacite et cette responsabilité de transformer ce qui est en ce qui pourrait être. La nation toute entière fera sien ce concept sans tambours ni trompette.
Quelle lecture faites-vous du duo exécutif Bassirou Diomaye Faye – Ousmane Sonko ?
Le duo Diomaye / Sonko a vendu un ‘’projet’’ aux sénégalais. Ils ont 5 ans pour prouver qu’ils étaient dignes de confiance. Une large majorité les a élus au premier, ils devraient des arguments solides pour y arriver. Laissons-leur le temps d’exécuter leur plan. Je ne juge pas le choix de tout un peuple, mais je jugerai leur bilan au bout du mandat. Je leur souhaite bon vent car nous sommes tous embarques dans la même barque.
Dans votre contribution « Deux têtes, zéro cap », vous êtes très critique. Que reprochez-vous concrètement au pouvoir actuel ?
Je tirais plutôt la sonnette d’alarme. Le peuple attend d’être délivré d’un long calvaire et le duo au pouvoir n’a pas le droit d’échouer. Ils ont cristallisé beaucoup d’espoir surtout de la jeunesse qui a pris leur parole comme la bible.
Pensez-vous que la coalition au pouvoir a trahi les espoirs de la jeunesse sénégalaise ?
C’est trop tôt de juger. Ils ne sont qu’a un an et demi de leur mandat. De Senghor à Macky Sall les gouvernements successifs ont réussi à poser de grand pas pour sortir le Sénégal du sous-développement. J’espère que le duo Diomaye / Sonko ira au dela de leurs prédécesseurs. Time will tell.
Selon vous, quelles sont les priorités urgentes du Sénégal aujourd’hui (économie, emploi, institutions…) ?
Aujourd’hui comme hier l’emploi des jeunes reste une super priorité. Le taux de chômage est passe de 23 % en 2023 à 27 % en 2025. C’est effrayant le nombre d’emplois qui se perd au sénégalais. Je trouve que l’orientation économique du nouveau gouvernement a des effets indésirables. Le ‘’couple présidentiel’’ a intérêt à vite résorber ce phénomène vu qu’il a été porte au pouvoir par cette jeunesse constituée de 70 % de la population sénégalaise.
Comment analysez-vous la posture de l’opposition actuelle ?
L’opposition a reçu un message clair et net. Un président n’a jamais été mieux élu que celui-ci. 54% au premier tour est presque comme un blanc-seing. L’opposition première sera le peuple une fois sa confiance trahie. Actuellement, il n’y a que des observateurs critiques a mon avis. La voix du peuple est plus forte que celle de l’opposition et elle se fera bien entendre si Diomaye et Sonko ne satisfont pas aux attentes. Les lanceurs d’alerte, les chroniqueurs et autres sont le peuple, pas une opposition et actuellement leurs voix commencent à être entendues.
Quel type de leadership faut-il aujourd’hui pour sortir le pays de l’impasse ?
Il ne faut des sachants et pas des parlants, si je puis me permettre cette expression. J’ai comme l’impression que l’espace politique aujourd’hui est déserté par les compétents, les experts, des hommes et des femmes aux parcours professionnels reluisants. Le discours est privilégié à la place du parcours. Les belles paroles, les promesses et les slogans prennent la place au détriment des actions concrètes, mesurables et durables. Aujourd’hui c’est la politique de l’effet d’annonce plutôt que celle du résultat.
je propose de construire aujourd’hui au lieu de promettre des lendemains meilleurs. Le vrai discours c’est l’action.
Quels conseils donneriez-vous à la jeunesse sénégalaise souvent déçue par la politique ?
A la jeunesse je dis le changement ne viendra pas seulement des bureaux ou des tribunes mais de vos idées, de votre énergie et de votre détermination à vouloir réussir. A la jeunesse je voudrais dire ceci : votre voix compte mais votre action compte plus.
Voyez-vous l’Alliance des Bâtisseurs comme une alternative politique à court ou moyen terme ?
C’est une offre idéologique basée sur le concret. Je n’ai jamais été membre de l’académie des belles paroles. J’invite les Sénégalaises et Sénégalais de traduire avec moi notre génie en action concrète.
Pensez-vous participer à une élection (locale, législative ou présidentielle) dans un avenir proche ?
Depuis 2022, L’Alliance a participé à toutes les élections. Je suis moi-même un élu municipal à la ville de Thiès et l’Alliance en a d’autres à la commune Est et Nord de Thiès. Nous préparons les prochaines échéances électorales
Êtes-vous ouvert à des alliances avec d’autres mouvements ou partis ? À quelles conditions ?
Nous ne posons aucune condition quand il s’agit de construire le pays et de le faire avancer. Aux élections locales précédentes, l’Alliance était dans la grande coalition Gox Yu Bess. On est en ce moment en pourparlers avec d’autres partis et mouvements dans le but d’une collaboration. Je suis très intéressé a la gouvernance locale, au développement des services sociaux, au renforcement de l’économie locale.
Quelle est votre ambition personnelle pour les prochaines années : leader d’opinion ou homme d’État ?
Je ne fais pas de fixation pour une quelconque position au Sénégal. En même temps je me tiens prêt à servir mon pays à tout moment.
En tant que Sénégalais de la diaspora, quel commentaire faites-vous de la gestion actuelle de la diaspora ?
Oui j’ai quitté le Sénégal en 2001, Mais depuis mon engagement en politique en 2019, je vis au Sénégal tout en conservant mon travail en Angleterre. Cela étant dit je considère que l’expertise et l’expérience des Sénégalais de la diaspora sont largement sous exploitées. L’apport économique estime à plus d’un tiers du budget national (1800 milliards en 2023) et largement supérieure à l’aide international (600 milliards). Elle constitue 10 % du PIB. Mais je considère qu’elle devrait être plus dirigée vers des investissements et moins vers la consommation. Ce gouvernement devrait aussi penser a ce slogan BBBH (bring the brains back home). Ceci est un transfert de compétence simple et peu couteux.
Quel est votre dernier mot ?
Je remercie votre magasine de l’opportunité de parler aux sénégalais de la diaspora et du Sénégal. Le Senegal est un grand pays au regard de la qualité de ses femmes et de ses hommes. Ce pays n’’a pas sa place au rang des pays sous-développés. Il faudrait l’en sortir hic et nunc.
Entretien : Malick Sakho
