Entretien exclusif avec M. Aly Tandian : «Avec l’engagement politique de la diaspora sénégalaise, une nouvelle image du migrant est dévoilée»

07 - Février - 2022

Aly Tandian est Professeur Titulaire en Sociologie à l’Université Gaston Berger (Sénégal) où il a créé le Laboratoire d’études et de recherches sur le Genre, l’Environnement, la Religion et les Migrations. Il est l'auteur de plusieurs publications scientifiques et a bénéficié de nombreuses distinctions internationales. Il a créé l’Observatoire Sénégalais des Migrations. Il a accepté de répondre à nos questions. Entretien.

Nous avons noté une participation massive des Sénégalais de l’extérieur aux élections locales qui viennent de se tenir. Qu’est-ce qui, selon vous, pourrait expliquer cet engouement de la diaspora ?

Au cours des dernières années, la diaspora joue dans la vie politique sénégalaise un rôle plus important que par le passé, une telle situation donne une lecture nouvelle à savoir l’émergence du paradigme transnational. Il faut reconnaître que cela est une caractéristique important dans l’appréciation positive de la démocratie au Sénégal. Des consignes de vote sont données à distance par des migrants et cela contribue aux pressions des diasporas qui influent sur les transitions démocratiques. Avec l’engagement politique de la diaspora sénégalaise, une nouvelle image du migrant est dévoilée car sa participation ne se résume plus aux simples transferts de fonds et de biens. Des pratiques et un savoir-faire politiques sont a prendre en compte lorsqu’il est question d’évoquer la contribution des migrants. Avec le développement des technologies de l’information et de la communication, la participation de la diaspora à la vie politique sénégalaise ne cesse d’être renforcée. Mieux, il y a de plus en plus des migrants qui retournent au pays d’origine soit pour intégrer des partis politiques soit pour se constituer en candidats aux élections au même titre que d’autres. Il faut voir cela comme un indicateur du changement du profil migratoire.

L’émigration irrégulière est plus que jamais actuelle dans nos États. Pourquoi le problème reste encore sans issue ?

Il faut se demander si réellement la migration est prise en compte dans les agendas politiques des pays d’origine car les choses évoluent en crescendo. Après Barca ou Barsaax (Barcelone ou la mort), le Sénégal a connu le "Mbeuk mi", les jeunes ont repris le chemin de l'Europe via les embarcations de fortune ou les routes du désert, une situation qui confirme le mal-être populaire. Je pense qu’on devrait analyser tout cela comme une sorte de malaise des jeunes en mal de trouver une alternative autre que le voyage irrégulier. Malheureusement, au lieu d’apporter une réponse efficiente en se penchant sur les causes profondes, c’est plutôt la réponse sécuritaire qui est servie. Nous avons des sociétés en profondes mutations, les jeunes ne peuvent plus constituer a attendre un lendemain meilleur promis qui a peu de chance de se concrétiser. D’aucuns associent l’émigration irrégulière à une forme de suicide, j’en doute fort, je pense plutôt que nous avons des jeunes qui veulent être des acteurs de la mondialisation et non de simples spectateurs. Des solutions existent mais faudrait-il que les causes profondes soient à volonté connues et prises en compte. Malheureusement ce n’est pas encore le cas car les rares réponses proposées ne font que vouloir infantiliser une population qui a envie de prendre son destin en main.

On note que de plus en plus le phénomène touche des zones de l’intérieur du pays qui, jusqu’á une période récente, en étaient épargnées. Qu'est-ce qui peut cette situation?

Entre autres difficultés qui se posent, au niveau des sphères de prise de décisions on ne fait pas la nuance entre les zones de départ et les zones d’origine des migrants irréguliers. Autre chose, on pense avec une certaine naïveté que la réponse ne peut être que matérielle. Des campagnes de sensibilisation sont faites au niveau des zones de départ et non des zones d’origine. Et puis ce l’on ignore parfois c’est que les candidats à la migration irrégulière sont surinformés et connaissent a souhait les risques du voyage irréguliers. Ce que certains jeunes vivent semblent être pires que les risques qui sont sur les routes migratoires.

Beaucoup pensent que l'État, dans sa recherche de solution, exclut les vrais acteurs. Ce qui, selon eux, expliquerait l’échec. Quel commentaire en faites-vous ?

Je pense qu’il faut changer de paradigme et encourager des réponses qui viennent des besoins et des attentes des candidats à la migration irrégulière. Il faut arrêter d’importer des réponses conçues ailleurs. Je pense que face à des causes profondes spécifiques, il faut encourage l’élaboration de réponses spécifiques. Il ne peut pas exister des réponses pour toutes les parties du Sénégal.

Les députés de la diaspora peuvent-ils vraiment être utiles à celle-ci ?

On devrait se demander si réellement les députés ont répondu efficacement à leur mission. Est-ce qu’ils ont les capacités requises pour une meilleure exécution de leurs missions. Je pense qu’il y a des maillons qui ont manqué car ils devraient être outillés afin qu’ils puissent être capables d’élaborer des politiques publiques, des initiatives de développement local, économique et social, de contribuer efficacement à la mobilisation des ressources financières et des compétences des Sénégalais de manière générale et des migrants plus particulièrement.

Entretien : Malick Sakho

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