Entretien exclusif avec le Docteur Mor Gassama économiste : “Je pense qu’il faudrait davantage écouter les doléances des sénégalais de la diaspora et essayer de proposer des solutions sur mesure”

16 - Octobre - 2022

Dr Mor Gassama est Economiste, enseignant chercheur à l’Institut National Supérieur de l’Education Populaire et du Sport (INSEPS) à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar (UCAD). Il a répondu à nos questions dans cet entretien.

Monsieur depuis un certain temps on dit que les Sénégalais de la diaspora envoient plus de mille milliards au Sénégal. Ces milliards contribuent ils directement à l’économie sénégalaise ?
Les sénégalais de la diaspora sont très courageux, je profite de cette occasion pour leur rendre un hommage solennel. Pour répondre à votre question, le constat est qu’une grande partie de cette manne financière est destinée à un investissement non productif ou à faible valeur ajoutée. Il s’agit d’argent envoyé pour entretenir la famille, payé des factures d’eau, d’électricité, d’achat et/ ou de construction d’un terrain (secteur de l’immobilier), de paiement des frais de santé ou de scolarisation des enfants, …
L’idéal aurait été que cet argent soit orienté vers la création de PME/PMI dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche ou encore dans les services. Cela contribuerait surtout à booster les secteurs primaire et secondaire pour améliorer significativement le niveau de production et de transformation mais oublier la productivité également car le Sénégal bénéficiera forcément, dans ce cas, de leurs différences expériences acquises dans tous ces domaines en Europe. Cela dit, il est dans l’intérêt de tout le monde d’orienter une bonne partie des envois des sénégalais de la diaspora vers un investissement à forte valeur ajoutée pour participer davantage au développement économique et social de leur pays.

Les différents gouvernements qui se sont succédés ont créé beaucoup d’agences (Faise etc..) pour accompagner les Sénégalais de l’extérieur. Est-ce réellement la meilleure formule ?
En tout cas les initiatives n’ont pas manqué mais malheureusement le constat est assez amer puisqu’il s’agit de parler plus d’échec que de succès. Je pense qu’il faudrait davantage écouter les doléances des sénégalais de la diaspora et essayer de proposer des solutions sur mesure. Les sénégalais de la diaspora restent très attachés à leur pays, beaucoup d’entre eux voudraient bel et bien investir dans leur pays mais ils sont souvent confrontés à des contraintes d’ordre administratif. Vous allez me dire qu’il ya plusieurs procédures simplifiées, je confirme que des efforts ont été fournis par les pouvoirs publics mais l’administration ne suit pas malheureusement ou bien sa réaction est très peu efficace. Par conséquent, on constate souvent un net décalage entre ce qui est annoncé par l’autorité et ce que nos compatriotes rencontrent comme difficultés sur le terrain. Ces dernières cassent leur élan de départ à défaut de les décourager purement et simplement. Une évaluation s’impose logiquement pour apporter des mesures correctives pour le bonheur de tous.

Certains politiciens ont théorisé l’idée d’une banque de la diaspora. Quel commentaire en faites-vous ?
Ce n’est pas mal comme idée, c’est important d’apporter des innovations à chaque fois que de besoin mais je pense que le système actuel permet de satisfaire la diaspora pourvu que certains blocages sautent simplement. A mon humble avis c’est à ce niveau précis où les autorités doivent jeter leur regard (pour ne pas dire un œil critique)

Dans cette conjoncture économique mondiale actuelle que peut être l’apport des Sénégalais de la diaspora dans le processus d’accompagnement de l’économie sénégalaise ?
Son expertise, son expérience et ses ressources matérielles et financières sans oublier son réseau bref elle peut apporter beaucoup de choses à l’économie sénégalaise franchement. C’est pour cela que j’insiste encore : la diaspora doit être écoutée, nous avons plus à gagner à tous les niveaux sans aucun doute possibles. Il s’y ajoute qu’elle contribue naturellement au transfert de technologie.

Beaucoup pensent que la fuite des cerveaux constitue un véritable manque à gagner pour les états africains. Qu’en pensez-vous ?
L’Afrique doit se construire et elle devrait compter en priorité que sur ses fils. L’histoire nous a montré qu’on ne peut plus se permettre de compter sur les autres pour notre développement. Nous avons accusé un retard que rien ne justifie actuellement. On n’a plus besoin de continuer à évoquer la traite des esclaves, la colonisation ou encore le néocolonialisme, nous devons obligatoirement prendre notre destin en main. Pour cela, l’Afrique a naturellement besoin de tous ses enfants et ceux qui ont la chance et le privilège de bénéficier d’une bonne formation devraient être au service du continent. Ce qui signifie que la fuite des cerveaux n’est pas une bonne nouvelle pour nous mais tout n’est pas à rejeter si on sait à quel point l’africain reste attaché à son pays, à ses origines.

Quelle doit être selon la meilleure attitude des états africains s’ils veulent survivre à cette crise qui commence à inquiéter le monde entier ?
Les Etats africains devraient se concentrer actuellement sur des mesures conjoncturelles (c’est-à-dire de courte durée et à effet immédiat) pour faire face à la crise tout en mettant en place des politiques structurelles pour une souveraineté alimentaire. En effet, cette forte dépendance de l’extérieur fragilise nos économies et nous expose facilement aux chocs extérieurs. Nous devons absolument tirer des enseignements pour l’avenir notamment avec toutes les difficultés d’approvisionnement en blé et autres produits dues à la crise russo-ukrainienne.

Entretien : Malick Sakho

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