La récente décision d’instaurer une carte de séjour pour les ressortissants mauritaniens vivant au Sénégal suscite interrogations et préoccupations, tant elle semble en contradiction avec la dynamique d’intégration africaine prônée par les nouvelles autorités sénégalaises.
Au moment où l’Afrique trace résolument sa voie vers une intégration plus forte, l’instauration d’une carte de séjour obligatoire pour les ressortissants mauritaniens au Sénégal sonne comme une dissonance. Ce choix administratif, en apparence anodin, risque de compromettre un objectif plus grand : celui de construire une Afrique unie, solidaire et prospère, telle que défendue par les plus hautes autorités sénégalaises elles-mêmes.
Un signal contre-productif
Cette décision risque d’envoyer un mauvais signal, à la fois aux citoyens africains et aux partenaires de l’intégration continentale. Alors que le Président de la République appelle à une Afrique souveraine et solidaire, imposer une carte de séjour à nos frères mauritaniens revient à ériger un mur symbolique à une frontière qui devrait, au contraire, être un pont de coopération.
Certes, chaque pays a le droit de réguler les flux sur son territoire. Mais dans un contexte d’interdépendance croissante, une telle mesure appliquée à un voisin immédiat va à l’encontre de la libre circulation prônée par la CEDEAO, et plus largement par l’Union africaine à travers l’Agenda 2063.
L’expérience des autres régions montre la voie
L’histoire récente prouve que la liberté de mouvement entre pays booste les économies, fluidifie les échanges et renforce les liens humains. En Europe, l’espace Schengen a transformé les relations économiques entre États membres, faisant exploser le commerce intrarégional. Dans l’ASEAN, l’assouplissement des règles de mobilité professionnelle a stimulé l’emploi régional.
Ces exemples doivent inspirer l’Afrique, surtout à l’heure où l’on mise sur la ZLECAF pour renforcer le commerce intra-africain, encore trop faible. Tant que les Africains devront remplir des formulaires, justifier leur présence, et payer pour rester dans un pays voisin, les ambitions d’un marché unique africain resteront théoriques.
L’heure de la cohérence diplomatique
Le Sénégal a aujourd’hui une responsabilité historique dans la concrétisation de l’intégration africaine. Cette mission repose notamment sur le Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, qui doit affirmer son rôle de chef d’orchestre de la coopération régionale et de la mobilité africaine.
Revoir cette mesure restrictive, dialoguer avec les pays frontaliers pour abolir les cartes de séjour imposées aux ressortissants africains, et proposer un cadre panafricain de libre circulation, voilà des priorités urgentes et cohérentes avec les engagements panafricains du Sénégal.
Pour une Afrique réellement sans frontières
Si le Sénégal veut rester fidèle à son histoire d’hospitalité, à sa tradition diplomatique panafricaine, et à la vision de ses nouvelles autorités, il ne peut se permettre d’inaugurer une politique migratoire restrictive envers ses voisins.
La véritable intégration africaine commence par des actes simples mais puissants : accueillir l’Africain comme un frère, sans contrainte ni barrière. Cela commence ici. Cela commence maintenant. C’est mon intime conviction.
Babacar Sané BA
Président Alternatives Citoyennes