À Rennes, Wattoosita interprète l’Os de Mor Lam et réveille nos humanités:

28 - Juin - 2025

Ce soir-là, à Rennes, le ciel semblait retenir son souffle. Dans la salle du Théâtre de l’ADEC, des éclats de voix, des rires d’enfants, des accolades en plusieurs langues. Wolof, français, arabe, créole, bamanankan… C’était un théâtre de quartier, mais on aurait cru un carrefour du monde. Tout ce petit monde s’était déplacé pour une œuvre à la fois simple et dense, ancienne mais foudroyante d’actualité : L’Os de Mor Lam, fable grinçante de Birago Diop.
La troupe Wattoosita ,était attendue. Sur scène, ils ont fait bien plus qu’interpréter un texte : ils l’ont porté à bout d’âme, avec une force tranquille, des silences éloquents, et une générosité rare.
La pièce raconte une histoire presque absurde : un homme, Mor Lam, refuse de partager un os. Rien qu’un os. À moitié rongé. Mais il préfère « faire le mort » plutôt que de le céder à son ami. De ce refus naît une spirale de méfiance, de colère, de règlements de compte.
On aurait pu en rire simplement, si les acteurs de Wattoosita n’avaient pas su rendre cette absurdité si terriblement proche de nous. Par leurs regards, leurs silences, leurs déplacements millimétrés, ils ont fait de cette fable une scène universelle : celle de nos orgueils, de nos blessures d’ego, de nos petites lâchetés du quotidien. Et surtout, de ce que nous perdons à ne pas partager.
Ce qui frappe d’abord, chez Wattoosita, c’est la richesse humaine. Des comédiennes et comédiens aux parcours différents, aux accents variés, aux corps qui racontent chacun une histoire. Des gens du Sénégal, de la Bretagne, du Maghreb, des Antilles, du Togo ,de France… Une diversité non pas affichée, mais incarnée.
Et sur scène, cela donne un théâtre vivant, mouvant, sincère.
Rien de forcé, rien d’académique.
Juste l’essentiel : le jeu, la parole, le rythme, l’émotion.
La salle était comble. Beaucoup de familles, des enfants fascinés, des étudiants, des curieux, des habitués du théâtre comme des néophytes. Ce mélange , rare dans les salles traditionnelles ,est peut-être l’un des plus beaux succès de la troupe.
À la fin de la pièce, le silence a duré. Longtemps.
Puis les applaudissements sont venus. Sincères, nourris, presque soulagés.
Et dans les couloirs, des murmures :
« Ça m’a touché… Je me suis reconnu. »
« C’est une vieille histoire, mais c’est tellement maintenant. »
« On devrait faire lire ça à tous les enfants. »
Ce que Wattoosita a fait ce soir-là, ce n’est pas simplement jouer une pièce.
Ils ont reconnecté des mémoires, ouvert des espaces de réflexion, tissé du lien là où parfois il se défait. En choisissant une œuvre de la littérature africaine pour un public rennais, ils ont aussi affirmé quelque chose : que la diaspora n’est pas en périphérie de la culture, mais au cœur de ce qu’elle peut devenir.
Car au fond, ce n’est pas juste l’os de Mor Lam.
C’est notre part de mauvaise foi, notre peur de manquer, notre besoin d’exister en s’opposant à l’autre. C’est notre incapacité parfois à dire : « prends, je partage avec toi. »
Et c’est aussi notre capacité, justement, à en rire, à en parler, à en faire du théâtre, pour ne pas en faire la guerre.
Ce que Wattoosita a offert à Rennes ce soir-là, c’est plus qu’un spectacle.
C’est une leçon douce et puissante sur ce que signifie être humain, ensemble.
Et ce don-là, lui, était entier. Sans morceaux.


         Malick Sakho

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