Entretien avec Fatim Walett, présidente de Diaspo’Afrik - Rennes : "On souhaite créer des liens entre la Bretagne et l’Afrique"

18 - Octobre - 2025

Dans un contexte où la voix des diasporas africaines joue un rôle de plus en plus déterminant dans la vie sociale, culturelle et économique des territoires français, Diaspo’Afrik-Rennes s’impose comme un acteur incontournable du vivre-ensemble et de la solidarité. Créée par des Africain·e·s résidant à Rennes, cette association œuvre avec énergie pour accompagner les nouveaux arrivants, renforcer les liens entre les communautés, promouvoir les cultures africaines et valoriser la contribution de la diaspora au développement local et international.
À la tête de cette dynamique structure, Madame Fatim Walett, nouvelle présidente, incarne une génération de femmes engagées, conscientes des défis de leur temps et déterminées à bâtir des ponts entre la Bretagne et l’Afrique. À travers cette interview, elle revient sur la genèse de Diaspo’Afrik, Rennes, ses missions, ses priorités et sa vision pour une diaspora unie, solidaire et fière de son identité.

Pouvez-vous nous présenter Diaspo’Afrik - Rennes : dans quel contexte cette association a-t-elle vu le jour, et quelles sont ses principales missions ?
Diaspo’Afrik - Rennes est une l’union de la Diaspora africaine de Rennes et alentours. On aspire à étendre l’association au niveau régional voire national. L’association a été créée de fait en 2022 mais officiellement en 2023 par des Africain.e.s vivant à Rennes. Son but : aider les personnes arrivant d’Afrique, soutenir la diaspora africaine de Rennes et alentours (tous statuts confondus), promouvoir la solidarité inter africaine et internationale, promouvoir et faire connaître les cultures africaines à travers des événements interculturels organisés dans Rennes Métropole. On souhaite créer des liens entre la Bretagne et l’Afrique, valoriser ce que la diaspora apporte. Nos actions peuvent s’étendre hors de la France.


En quoi Diaspo’Afrik se distingue-t-elle des autres structures associatives œuvrant auprès des Africain·e·s à Rennes ?
Diaspo’Afrik se distingue parce qu’elle ne fait pas seulement de l’aide. On combine aide + culture + mémoire. On organise des événements culturels et sportives, mais aussi des formations, du partage, de la solidarité. On cherche à unir la Diaspora africaine, à donner une voix collective, tout en respectant les identités et les différences !!


En tant que nouvelle présidente, quelles sont vos priorités pour les mois à venir ?
Renforcer l’aide pour les étudiant·e·s (logement, démarches, matériel);
Développer les activités culturelles pour que les jeunes, notamment qui sont nés en France, se sentent fiers de leur identité;
Créer plus de partenariats avec les institutions locales (mairie, université) pour mieux répondre aux besoins;
Favoriser l’inclusion, que chaqune personne, quelle que soit son origine, sa situation physique, son idéologie etc…, se sente à sa place.


Quels sont, selon vous, les grands défis que devra relever l’association dans cette nouvelle phase ?
Obtenir des financements stables pour tous les projets;
Faire connaître l’association pour toucher ceux qui ne savent pas encore qu’elle existe;
Gérer la diversité des besoins de la Diaspora : étudiants (nouveaux arrivants, difficulté d’obtention de logement, jobs, alternance), personnes en difficulté administrative etc…
Assurer la continuité des actions, même quand les bénévoles changent ou quand les périodes sont moins faciles;

Quels leviers souhaitez-vous activer pour renforcer la cohésion entre les différentes associations africaines à Rennes ?
Organiser des réunions ou temps de rencontre entre les associations pour discuter ensemble ;
Lancer des projets communs (événements, ateliers, actions de solidarité);
Partager les ressources : salles, matériel, compétences, idées;
Encourager la solidarité entre associations, pour que les forces s’additionnent.

Quelles sont, d’après votre expérience, les principales difficultés rencontrées par les Africain·e·s nouvellement arrivés à Rennes ?
Les démarches administratives : titre de séjour, les jobs, domiciliation, les logements, la connaissance de leurs droits, etc.
Le logement : trouver un logement stable, accessible financièrement;
L’isolement : se sentir seul, loin de sa famille, l’intégration;
Les difficultés financières : payer les études, le loyer, les transports;

Comment Diaspo’Afrik agit-elle concrètement pour faciliter leur accueil, leur intégration et leur accompagnement ?
On propose des permanences d’aide pour les démarches (administratives, logement, santé);
L’année dernière, on avait mis en place un dispositif hébergement d’urgence afin d’accueillir temporairement les nouveaux arrivant ou les personnes en situation de difficulté en terme de logement
On organise des rencontres sociales pour créer du lien et briser l’isolement
On projette de mettre en place des actions de solidarité (par exemple aides matérielles, aide pour le matériel scolaire)
On oriente vers les structures locales bien utiles (associations, services publics)
Quelles actions spécifiques sont mises en place pour soutenir les étudiant·e·s africain·e·s, souvent en première ligne face à la précarité administrative et matérielle ?
Accompagnement dans les démarches universitaires et administratives (inscription, bourses, logement);
Orientation vers des structures qui éventuellement organisent des distributions ou aide pour obtenir du matériel scolaire, informatique;
Appel à aide financière ou solidarité matérielle lors de moments difficiles;

L’une des forces de Diaspo’Afrik est sa capacité à valoriser les cultures africaines dans toute leur diversité. Comment organisez-vous cette promotion culturelle ?
Événements culturels : Journée Culturelle Africaine, Journées d’intégration, spectacles, expositions, Miss et Mister Afrique-Bretagne, Tournois de Foot etc..
Ateliers culturels : danse, musique, coiffure, cuisine africaine
Conférences et débats pour parler de l’histoire, des traditions, des défis actuels
Collaboration avec des artistes africains ou de la diaspora

Quels retours avez-vous reçus à l’issue des grandes manifestations culturelles portées par l’association, notamment en termes de transmission, de fierté identitaire et d’implication des jeunes ?

Beaucoup de personnes disent se sentir fières de leur culture, contentes de la partager;
Les jeunes participent plus, ils viennent, échangent, proposent des idées;
Le public rennais découvre autre chose de l’Afrique, ce qui aide à casser les stéréotypes;
Les familles expriment leur gratitude, ça rapproche les générations

Quelle place accordez-vous à l’entreprenariat et à l’expression artistique dans votre stratégie de rayonnement ?
On veut soutenir les jeunes qui ont des idées d’entreprise, les aider à se lancer (informations à leur disposition)
Soutenir les artistes et talents africains, offrir des scènes, des lieux d’exposition ou de spectacle lors de nos différents événements;
Encourager l’art comme moyen d’expression : musique, peinture, écriture, danse.

En tant que Malienne, comment analysez-vous la situation politique actuelle au Mali ?
La situation politique actuelle du Mali ne peut être comprise sans revenir à l’héritage colonial et aux conditions précipitées de la décolonisation. Comme beaucoup d’autres pays africains, le Mali est prisonnier des frontières artificielles tracées de manière unilatérale lors de la conférence de Berlin (1884-1885). L’Organisation de l’unité africaine (ancêtre de l’Union africaine) a ensuite consacré le principe d’intangibilité de ces frontières, rendant ces découpages, pourtant arbitraires, incontestables.
Ce choix historique a eu des conséquences profondes : certaines populations, notamment les Touaregs, les Arabes et les Peulhs du Nord, se sont senties marginalisées par un État central construit sur un modèle jacobin. Cette marginalisation a nourri des révoltes, auxquelles l’État a répondu par la répression. Le résultat est une spirale de violences qui a plongé le Mali dans un chaos sécuritaire et sociopolitique.
Le Mali est devenu un véritable cas d’école. Pour sortir de cette impasse, deux pistes s’imposent : soit repenser l’Afrique à partir de ses frontières précoloniales, soit imaginer un système de fédéralisme communautaire capable de respecter la diversité des peuples et des territoires. Sans une remise en question profonde de cet héritage historique, le Mali, et plus largement l’Afrique, risque de rester enfermé dans ce cycle infernal de crises et de violences.

Quelle place la diaspora malienne installée en France, peut-elle jouer dans la reconstruction ou le soutien au pays ?
En soutenant leurs compatriotes (entre autres par l’expertise, savoir-faire…)
En participant à des projets de développement local ou scolaire
En faisant entendre la voix du Mali dans le débat public, pour sensibiliser sur les enjeux politiques ou financiers
En favorisant les échanges culturels, patrimoniaux, éducatifs.


Diaspo’Afrik envisage-t-elle des projets de solidarité en direction du Mali ou d’autres pays d’Afrique ?
Oui. On prévoit de lancer ou soutenir des projets comme :
des dons de matériel pour les écoles ou centres de santé
des partenariats avec des ONG locales pour des programmes culturels ou éducatifs
des échanges (étudiants, artistes) pour créer du lien et du partage.
Quel message souhaitez-vous transmettre à la diaspora africaine de Rennes, aux étudiant·e·s, aux responsables associatifs et aux institutions locales ?
Je dis : restons unis, parlons ensemble, agissons ensemble. Aux étudiants, gardez confiance, vous avez des talents et des idées. Aux associations, collaborons. Aux institutions, merci de votre écoute, j’espère qu’on pourra travailler ensemble plus encore.

Comment peut-on s’impliquer concrètement aux côtés de Diaspo’Afrik - Rennes ? (Adhésion, bénévolat, partenariat, etc.)
Devenir adhérent·e en vous rapprochant de nous pour vous donner toutes les informations nécessaires : c’est facile, ça permet de participer aux activités
Être bénévole : aider lors d’événements, dans l’accueil, dans les ateliers.
Proposer un partenariat : avec votre structure, entreprise, université, mairie…
Soutenir l’association matériellement ou financièrement.

Entretien : Malick Sakho

 

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