De la diaspora au pays natal : le retour serein de Nafissatou Mar

Parfois, le service ne se limite pas à un poste. Il devient une vocation. C’est cette ligne de force qui traverse le parcours de Madame Nafissatou Mar, femme de caractère et de conviction, qui s’apprête aujourd’hui à refermer un chapitre important de sa vie en diaspora pour répondre à un appel intérieur : celui du retour au Sénégal. Longtemps engagée aux côtés des Sénégalais de l’étranger, d’abord au Maroc puis en Italie, elle incarne une génération de femmes discrètes mais profondément agissantes, dont le dévouement dépasse les fonctions officielles. Son visage, ceux qui l’ont croisée à Casablanca ou à Milan s’en souviennent. Pas pour une quelconque exposition médiatique. Non. Mais pour sa présence rassurante, son sens de l’écoute, son humanité. Le Maroc fut sans doute le premier grand théâtre de sa mission. Elle y arrive à une époque où beaucoup de jeunes Sénégalais cherchent leurs repères dans un pays ami, mais exigeant. Très vite, elle devient un point d’ancrage, une voix douce mais ferme, une interlocutrice fiable pour les uns, un refuge moral pour les autres. C’est là-bas qu’on lui donne ce surnom affectueux et révélateur : “Mère Teresa”. Ce surnom, elle ne l’a pas recherché. Il s’est imposé, comme un hommage naturel à sa manière d’être au service des autres, au-delà des heures, des titres et des limites administratives. En 2017, elle quitte le Maroc. Mais un an plus tard, en 2018, elle est rappelée à Casablanca, non pas pour un poste, mais pour être honorée. Une soirée Grany Awards organisée par ses compatriotes lui décerne une distinction. Ceux qu’elle a aidés, accompagnés ou simplement écoutés n’ont pas oublié. Puis vient l’Italie. Une autre terre d’accueil, un autre défi. À Milan, où Madame Mar adopte un registre plus spirituel, recentré sur la foi. Sans renier ses engagements sociaux, elle se tourne davantage vers la dimension religieuse de son identité. Sa spiritualité devient un socle visible de son action. Moins dans les discours que dans l’attitude. Moins dans les titres que dans la manière de faire. Ses rapports avec le Consul sortant, Monsieur Lamine Diouf, ont été marqués par le respect mutuel. Une collaboration apaisée, dans un esprit de continuité et de service. Elle ne le dit pas frontalement, mais ses choix parlent pour elle : servir, oui, mais pas dans l’ombre familiale. Pour elle, le devoir ne doit pas être confondu avec la proximité. Elle préfère la distance juste, celle qui préserve l’engagement du soupçon et la loyauté du favoritisme. Ceux qui la connaissent savent qu’au-delà des titres et des missions, Nafissatou Mar est aussi profondément une talibé. cheikh Ahmed tidiane ,Son amour pour le Sénégal se vit aussi à travers sa foi. À Linguère, dans la ville du Jolof, elle a organisé un événement marquant, à la croisée de la tradition, de la spiritualité et du développement local. Elle y est revenue en tant que fille du terroir, mais aussi en tant que femme engagée, soucieuse de transmettre quelque chose à ceux qui restent. Son appartenance à la voie soufie est visible dans ses gestes, ses silences, sa pudeur. “Servir, c’est aussi s’effacer”, semble-t-elle dire par sa manière d’être. Aujourd’hui, Madame Mar s’apprête à rentrer définitivement au Sénégal. Elle tourne une page, mais sans amertume. Au contraire, c’est avec une forme de plénitude qu’elle évoque ce retour : non pas comme un retrait, mais comme une continuité. Des projets l’attendent, dont elle parle avec pudeur. Ils concernent sans doute le social, peut-être la formation, sûrement la jeunesse. Mais elle préfère laisser les actes parler avant les annonces. Il y a dans sa trajectoire quelque chose de rare : cette capacité à exister sans bruit, à marquer sans imposer, à servir sans attendre. À ceux qui lui demandent ce qu’elle retient de ces années passées en diaspora, elle répond simplement : « J’ai juste fait ce que j’avais à faire. » Et c’est justement cela, qui restera.

Malick Sakho