Je ne peux que constater, avec une certaine perplexité, que la scène
politique sénégalaise se distingue parfois par des contradictions si profondes
qu’elles défient toute logique institutionnelle. Même l’observateur le plus
averti peine à saisir certaines postures, pourtant adoptées par des
personnalités occupant les plus hautes fonctions de l’État.
Que retenir, par exemple, de l’acharnement d’un Premier ministre en exercice
contre une alliée politique, collaboratrice directe du Président de la
République ? Comment expliquer une virulence aussi marquée envers une
personnalité qui, non seulement ne mène aucun combat contre le chef du
gouvernement, mais reste pleinement engagée dans la majorité présidentielle
et son projet ? Une telle attitude interroge, au-delà de la simple cohérence
politique, la stabilité même de l’action gouvernementale.
Les paradoxes ne s’arrêtent malheureusement pas là. Il est troublant de voir
ce même Premier ministre, dont l’inéligibilité passée reposait sur un rapport
inexistant, brandir aujourd’hui le contenu d’un rapport confidentiel de
l’Inspection Générale d’État (IGE). Une démarche qui, outre la contradiction
personnelle, soulève une question bien plus grave : celle du respect des
normes et des procédures étatiques.
L’État n’est pas un espace d’improvisation. Il se fonde sur des règles, des
institutions et des principes qui garantissent son bon fonctionnement. Si ces
normes sont jugées imparfaites, il existe une voie républicaine pour les
réformer. Mais ce qui est inacceptable, c’est de les violer délibérément,
surtout lorsque l’on est précisément chargé de les faire respecter.
La gouvernance exige rigueur, humilité et compétence. Face à l’incertitude ou
au doute, la solution la plus responsable reste de s’entourer d’experts,
d’écouter ceux qui maîtrisent les textes, les institutions et les procédures.
Voilà ce que devrait être le leadership. Voici ce que commande le sens de
l’État.
À l’heure où le Sénégal aspire à consolider son État de droit, il est urgent
d’identifier et de dénoncer les comportements qui relèvent davantage de la
politique politicienne que de la responsabilité institutionnelle. Car la crédibilité
de nos institutions dépend, avant tout, de ceux qui les incarnent.
Ibrahima Thiam
Président du parti ACT