À l’occasion du lancement du concept Next Sénégal, samedi 23 août à Paris, la journaliste Seynabou Sy a livré un récit personnel qui a marqué l’auditoire. Très suivie depuis le lancement de son podcast Afrofeeling en début d’année, elle y fait entendre les voix d’entrepreneurs, d’experts et de leaders africains. Fidèle à sa démarche d’inspirer et d’éveiller les consciences, elle a partagé, devant une salle attentive, son propre parcours : les épreuves, les détours, mais aussi les enseignements qui l’ont guidée vers son objectif.
D’une chambre de bonne parisienne aux coulisses de MCM Africa
« Mon rêve, c’était de venir à Paris et de travailler dans une maison de disques », raconte Seynabou Sy. À la fin de ses études, elle quitte la Belgique, prend un aller simple pour Paris, persuadée qu’en deux mois, elle décrocherait un poste chez Universal. La réalité fut tout autre.
Installée dans une petite chambre, elle enchaîne les lettres de motivation et les shifts à la Brioche Dorée, sur les Champs-Élysées. « Un soir, je n’avais même pas de quoi payer le ticket de métro. En rentrant à pied, les larmes me sont venues toutes seules. J’ai parlé à Dieu. » Une prière devenue un tournant : « Seigneur, je ne pleure pas parce que j’ai mal, mais parce que c’est dur. » Et dès le lendemain, « j’ai décidé de transformer mon état d’esprit : être heureuse, exprimer de la gratitude. »
La porte entrouverte
Universal, son rêve d’adolescente, lui ferme ses portes. Mais une autre fenêtre s’ouvre : MCM Africa. Après avoir insisté, elle décroche un stage à MCM Africa. « De 9 h à midi, j’étais stagiaire à MCM ; de 13 h à 22 h, serveuse à la Brioche Dorée. Six mois durant. Au terme de cette période, mon travail, ma détermination et mon courage ont convaincu MCM de m’embaucher. J’ai pu écrire ma lettre de démission et dire adieu à la vie de serveuse. » Quelques mois plus tard, Seynabou Sy accompagne l’équipe de la chaîne en Afrique du Sud pour les Koras, trophées de la musique africaine. Trois ans plus tard, elle y revient, « cette fois comme présentatrice de la cérémonie. C’est là que j’ai rencontré Michael Jackson et Nelson Mandela. Était-ce prévu dans mon rêve initial ? Pas du tout. »
« La vie sait parfois mieux que nous »
De ce parcours semé d’obstacles, Seynabou Sy tire une conviction : « C’est en acceptant de suivre une autre voie qu’Universal que j’ai trouvé ma véritable trajectoire. Il ne faut pas renoncer à ses ambitions, mais rester attentif aux chemins qui s’ouvrent. La vie sait parfois mieux que nous ce qui est bon pour nous. » Un message adressé en particulier à la jeunesse africaine, parfois tiraillée entre le désir de construire son avenir ailleurs et l’appel du continent. « Si vous sentez que votre avenir est en Afrique, vous le saurez. Si vous n’êtes pas encore sûr, c’est normal : cela signifie simplement que le moment n’est pas venu. Quand il est là, tout s’aligne. On ne force pas ce genre de décision. »
Les « trois P » pour avancer
Face à un public attentif lors de Next Sénégal, Seynabou partage son credo : les “trois P” — Précis, Préparé, Prudent. Précis, pour savoir pourquoi et pour qui on agit. « Soyez clair sur ce que vous voulez. Le pourquoi vous portera dans les moments difficiles. » Préparé, pour comprendre le terrain, voyager, rencontrer, apprendre. « Informez-vous, étudiez le marché, voyagez pour découvrir. L’effort et la préparation font partie du chemin. » Prudent, car l’Afrique, riche de promesses, n’est pas exempte de pièges. « Ne soyez pas naïf. L’Afrique est riche, mais pas idyllique. La personne de confiance que vous cherchez, c’est d’abord vous-même. », martèle-t-elle.
Un principe né aussi de ses erreurs. L’expérience de l’Ebony Festival (Festival ébène), son projet pharaonique lancé en 2004, reste une leçon fondatrice. Entre sponsors internationaux, artistes de renom et budget prévisionnel de 500 000 dollars, elle découvre à ses dépens que la rigueur est une condition de survie. « Par manque de précision et de prudence, nous avons fini avec un budget final d’un million. Certaines dépenses étaient nécessaires, d’autres venaient de fausses factures émises par des membres de mon équipe. J’ai perdu dix kilos et pris dix ans en quelques mois. » Une leçon qui renforce son credo : précision, préparation et prudence.
« Le changement commence par un état d’esprit »
Avec son podcast Afrofeeling, lancé début 2025, Seynabou Sy revient à son premier amour : donner la parole. Sa voix relaie désormais celles de leaders et d’entrepreneurs africains qui inspirent une jeunesse en quête de repères. Au terme de son intervention au Next Sénégal, elle insiste sur l’importance de la confiance en soi et de la reconnaissance : « Le changement commence par un état d’esprit. Sachez que chacun d’entre vous a un potentiel et un rôle à jouer. Tant que les Africains ne prendront pas conscience de leur valeur, l’Afrique n’avancera pas. Personne ne la construira à notre place. »
Loin des discours convenus, sa démarche reste ancrée dans l’authenticité. Pas de superflu, mais des récits vrais, parfois rudes, toujours porteurs d’espoir. Un appel à la lucidité autant qu’à l’optimisme : « Le jour où, dans ma petite chambre parisienne, j’ai décidé de ne plus me laisser abattre, ma vie a basculé. Quand on change son regard, le monde autour change aussi. Essayez, et vous verrez. »
Propos recueillis par Mouhamed Ben Abdallah Diene
Parcours inspirant !
La vie étant faite de hauts et de bas, mais au final ce qui compte vraiment, c’est notre capacité à faire face aux épreuves.