Franc-maçonnerie : les jérémiades des sénégalais
Actuellement, tous les sénégalais se sentent submergés d'un ample discours d'accusations gratuites sur un sujet de phénomène sociétal que certains milieux sénégalais instrumentalisent à bon escient : la franc maçonnerie est entrée dans une intense campagne de politique politicienne à tort ou à raison pour abattre disons détruire socialement son adversaire politique. La franc maçonnerie est une association initiatique, ésotérique et fraternelle répandue dans de nombreux pays du monde. Ses origines sont à retracer à l'époque moderne en Europe précisément en Angleterre à Londres le 25 juin 1717 comme union d'association fondées sur un ordre démocratique appelé " LOGES". En 1726, Francis Drake célébré érudit de la franc maçonnerie anglaise avait annoncé les 3 principes de la franc maçonnerie : la vérité, la bienfaisance et l'amour fraternel ( truth, relief and brotherly love ) pour montrer que c'est un club dont le ciment est avant tout moral et philantropique. Dès 1725 au début du règne de Louis XV, les premières loges continentales apparaissent en France considérée comme la fille ainée de la maçonnerie avec quelques exilés anglais, écossais et irlandais qui avaient fondées la loge de Saint Thomas ; c'est le début de la maçonnerie française qui en peu d'années connut un rayonnement sans égal. Dès 1740, la police inquiétée de la multiplication rapide des loges fréquentés par la haute noblesse, les commerçants, les boutiquiers et les bourgeois, était obligée d'intervenir contre les membres de conditions modestes avant de laisser libre court à la création de loges. Ce grand déferlement maçonnique avait aussi inquiété l'église chrétienne ; dès 1738 le pape Clément XII avait lancé une campagne d'ex communication contre les bourgeois et les aristocrates. A sa mort en 1771, le Duc de Chartres avait officiellement constitué en 1773 la loge du Grand Orient de France qui a pu fusionner en 1779 presque toutes les anciennes loges. En moins de 50 ans, la France, fille ainée de l'église est devenue aussi fille ainée de la maçonnerie. Dès sa naissance en Angleterre en 1717, les loges maçonniques sont restées chrétiennes. Dès son implantation dans les années 1720, la franc maçonnerie témoigne d'un esprit tolérance à une époque où être protestant était un délit permanent permettant que les maçons professent la religion qui leur convient. Après 1782, les maçons français se rallient au déisme (reconnaissance de Dieu en dehors de toute religion) des penseurs des années lumières en professant un anti cléricalisme grandissant. Avec le positivisme de Auguste Comte, les maçons commencent à s'interroger sur leurs obligations religieuses et leur combat pour la république leur vaut de virulentes attaques de l'église. En 1872, la loge du Grand Orient de France abolit l'obligation pour ses membres "les frères " de croire en Dieu. C'est la raison du grand schisme entre les maçonneries latines (France, Belgique, Espagne, Italie et Amérique latine) qui sont libérales pouvant accueillir croyants et non croyants et les maçonneries anglaises fidèles aux obligations dogmatiques ne pouvant accepter ni athées, ni déistes.
Une société secrète ouverte aux aristocrates
L'implication des maçons dans la vie politique aurait commencé avec la révolution française de 1789. Le jésuite Augustin de Barruel dans " ses mémoires de l'histoire du jacobinisme " parle d'un complot maçonnique qui serait à la base de la révolution française. Le seul paradoxe est que 1789 est le début de la désagrégation de la maçonnerie française. De 700 loges en 1789, le Grand orient chute à 20 ateliers en 1796 car la maçonnerie est taxée d'être une société secrète ouverte aux aristocrates. La maçonnerie fut aussi l'un des fidèles souteneurs de l’empire ; En effet Cambécères éminent maçon était en même temps le second du régime de Bonaparte. Initié en 1801, Louis Bonaparte devint en 1803 grand maître adjoint. A partir de 1848, les maçons défendent la république française ; francs-maçons et république ont lié leur destin tout au long du 19° siècle en travaillant ensemble pour l'instauration de la troisième république. Les maçons ont accompagné la république dans tous les combats de la laïcité à la colonisation. L'implantation des loges maçonniques dans les colonies remontent au XVIII° siècle. Mais sous la troisième république, son expansion fut incisive quand la franc maçonnerie lie son destin à celui du grand empire colonial de Jules Ferry. Sous le règne de Louis XV ( 1717- 1774 ) les premières loges s'installent aux Antilles et ce mouvement s'accélèrent sous Louis XVI avec des loges en Ile Maurice en 1765, à la Réunion en 1775, au Sénégal en 1779, et à Pondichéry en Inde en 1786. En 1831, une première loge militaire s'installe à Alger. Sous la troisième république, les loges coloniales derrière le maçon Jules Ferry se donnent la mission de " civiliser les races inférieures » ; un colonialisme humaniste dont se réclame en 1875 le maçon Saorgnan de Brazza. Sous les 3° et 4° républiques le ministère des colonies fut toujours confié à des maçons : de Félix Faure à Gaston Monerville et de Gaston Doumergue à Henri Caillavet. L'ouverture des loges coloniales aux musulmans commencent à Alger. Sous le second empire Napoléon III fut reçu par la loge d'Orient en 1865, déjà en 1864 selon sources concordantes, l'émir Abdel Kader a été initié et dès 1879 la loge de Bélisaire à Alger avait son propre entête. A partir de l'Algérie, les réseaux des loges s'étendent au Maroc et en Tunisie. Dans les colonies, le Vatican tente de contrer la franc maçonnerie en faisant croire aux colonisés en une " magie des blancs". Le projet assimilationniste dans les colonies françaises est l'objectif des loges et les maçons se préoccupent des progrès de la santé, de la scolarisation laïque, de l'application des lois sociales et de l'octroi de la citoyenneté française . En 1916, le député Blaise Diagne cité parmi la maçons se bat politiquement pour octroyer la citoyenneté aux habitants des communes sénégalaises de plein exercice et en 1936, le maçon Maurice Violette chargé de l'Algérie dans le gouvernement de Léon Blum avait proposé la citoyenneté française à 25000 musulmans. Avec les indépendances plusieurs dirigeants de l'Afrique francophone d'hier et d'aujourd'hui sont accusés à tort ou à raison d’être des francs-maçons. Le seul président africain dont l'initiation à la loge d'orient en France est confirmée est l'ex président gabonais Omar Bongo. En 1997, lors de la guerre civile dans les rues de Brazzaville entre Dénis Sassou Nguesso et Pascal Lissouba, la loge du Grand orient avait soutenu le président Bongo pour ramener les deux "frères" de la même loge à la raison.
Une propagande irréfléchie de clientélisme politique
L'Islam et la franc maçonnerie ont toujours connu des relations difficiles même si certaines autorités politico- religieuses de pays musulmans ont été accusées d'être initiées. Déjà l'empire ottoman a toujours exercé de fermes condamnations de l'ordre maçonnique. Avec le développement du nationalisme arabo- musulman, la franc-maçonnerie est de plus en plus durement critiquée et combattue car considérée comme un des souteneurs sûrs du colonialisme. Avec le conflit entre Israël et Palestine, la franc maçonnerie est accusée de sioniste par beaucoup de discours en terre d'Islam où tout le monde s'accorde du succès des thèses du complot judéo- maçonnique contre la Palestine et les musulmans. Actuellement avec la radicalisation d'un Islam " politique " la haine de l'ordre maçonnique s'exprime même sous des formes extrêmement violentes. En 2009, une cellule d'Al qaida a pris pour cible une loge d'Istanbul et pour les "frères musulmans " l'affiliation maçonnique d'un musulman est passible de peine de mort. 30 plus tôt avec la révolution iranienne, la franc maçonnerie a connu la pire tragédie de son histoire ; elle est victime d'effroyables persécutions à cause de sa proximité avec le Chah d'Iran et de sa campagne de recrutement réussie dans les classes moyennes et supérieures iraniennes. Aujourd'hui la franc maçonnerie est interdite dans la plupart des pays arabes car d'une manière générale l'Islam et les musulmans considèrent que les organisations qui ont une structure hiérarchique et qui sont dotées de rituels et de cérémoniales ne sont ni tolérables ni acceptables même si certains pays comme le Liban, le Maroc, la Turquie et la Malaisie sont plus tolérants envers l'ordre maçonnique. Plus récemment plusieurs institutions et mouvements islamiques condamnent vigoureusement la franc maçonnerie qu'ils considèrent comme une hérésie religieuse menaçant la société et le mode de vie des musulmans. Les plus acerbes des attaques contre les maçons dans les réseaux médiatiques sont surtout les salafistes et les wahabites. L'implantation du salafisme et du wahabisme au Sénégal explique la radicalisation de certains musulmans contre les francs-maçons et à juste raison ; mais il serait plus intéressant et plus profitable pour le musulman sénégalais d'être convaincu par des arguments solides tirés du Coran mais non par une propagande irréfléchie de clientélisme politique. Comment ne pas avoir confiance à un médecin sénégalais considéré sans raison comme un franc maçon si le même accusateur a accepté avec confiance d'être soigné par des médecins en Allemagne où les loges franc maçonnes foisonnent en toute liberté ? Le 31 janvier 2018, l'intervention de l'Imam Hamad Kanté intitulé "la franc maçonnerie est-elle soluble dans l'Islam " est un texte intéressant pour comprendre et prendre une position conforme à l’Islam pour tout musulman non intéressé par la propagande politique partisane. Tout le reste est juste faire des jérémiades qui désignent des plaintes répétées finissant par agacer tout auditeur.
Magatte Simal
C.A.D.E.E.S Italie
