Les africains organisent leur propre congrès de Berlin

04 - Février - 2024

Les historiens ont l'habitude de dire que l’histoire ne se répète pas mais elle peut bégayer. Cette fois ci le contexte est trop différent mais le résultat est le même. Les africains s'offrent eux-mêmes aux puissances du monde en leur donnant la liberté totale de les diviser selon leur guise et leurs intérêts. Les africains organisent un autre congrès de Berlin en l'absence des européens, divisent le gâteau nommé " Afrique" et envoie à chaque puissance du monde sa part. Deux congrès de Berlin ont été organisés par les européens.
Le premier congrès de Berlin du 13 juin au 13 juillet 1878 ne concernait en rien le continent africain. Les puissances européennes étaient réunies à Berlin pour réviser le traité de San Stefano. En Avril 1877, le Tzar Alexandre II de la Russie avait déclaré la guerre à l'empire ottoman. Après la victoire russe en janvier 1878, l'empire ottoman fut contraint de signer le 3 Mars 1878 le traité de San Stéfano qui avait prévu l'indépendance des États chrétiens des Balkans ne gardant que la Thrace orientale devenue aujourd'hui la partie européenne de la Turquie.
Le second congrès de Berlin entre 1884 et 1885 concerne le continent africain. Cette conférence de Berlin est perçue par tout le monde comme le moment où les puissances coloniales européennes se sont mises autour d'une table avec compas, équerre et règles sur la carte de l'Afrique pour se partager le continent noir. Cette idée qu'on octroie au chancelier Bismark avec un couteau à la main pour découper le gâteau Afrique n'est pas totalement vraie car en 1885, la colonisation européenne n'avait pas un objectif clair et bien déterminé. Berlin a plutôt contribué à mettre sur pieds les règles et les conditions pour occuper le continent africain. A l'initiative du chancelier allemand Bismark, 14 nations européennes s'étaient réunies pour décider du sort et de l'avenir de l'Afrique en l'absence de l'Afrique. Après Berlin, l'Afrique toute entière fait l'objet de négociations avec de nombreux traités bilatéraux signés entre les européens. Les décisions diplomatiques prises à Berlin sont mises en application sur le terrain africain pour délimiter et borner les frontières. Au début du XX°, l'Afrique a été entièrement partagée entre les européens. Seule l'Ethiopie ayant pu garder son indépendance malgré une petite période d'occupation italienne entre 1935 et 1941, le Libéria avec son histoire particulière et le l'Afrique avec son autonomie en 1910 sont les seules nations africaines qui ont échappé à la réelle colonisation européenne.
Combien de discours, combien de livres, combien d'articles de journaux de panafricanistes pour dénoncer les décisions du congrès de Berlin et ses conséquences néfastes sur les frontières artificielles africaines après les indépendances ? Qui aurait pensé que 60 ans après les indépendances, les africains eux-mêmes continuent à opter politiquement de marcher derrière ces mêmes pays européens qui étaient présents à Berlin. ? L'Afrique est-elle protagoniste de son propre destin ? Maigres de nombreux atouts pour booster son progrès et son développement dont sa jeune démographie et ses nombreuses ressources minières et énergétiques, l'Afrique reste éternellement dans une situation précaire à cause des conflits violents, le terrorisme, les nombreux coups d'état et la corruption endémique. Ce continent noir continue de subir les effets délétères, néfastes d'un colonialisme économique déchainé des institutions financières et monétaires internationales, de la Chine, de la Russie, de la Turquie, des pays arabes, de l'union européenne, des U.S.A. Chaque pays organise son propre sommet avec l'Afrique pour prétendre à sa part du gâteau " Afrique" que les africains eux offrent moyennant une modique somme. Avec l'aval des africains, ils ont librement choisi un partenaire ou un guide parmi ces grandes puissances pour leur confier leur avenir. L'Afrique se prête comme un terrain de jeu privilégié des grandes puissances qui y rivalisent par des stratégies d'exploitation de l'Afrique. Actuellement les africains ont donné leur propre accord pour faire de leur continent un champ de " seconde guerre froide" entre l'Europe, la Russie, la Chine et les U.S.A. en monnayant eux-mêmes leur souveraineté contre des promesses fallacieuses. Le manque de lucidité politique des africains a permis à ces grandes puissances de piétiner leur souveraineté, de faire fi de leur désir de déterminer de manière indépendante leur propre destin et de ne pas leur laisser aucune liberté en tant que nations indépendantes d'avoir la liberté souveraine de choisir leurs partenaires en relations internationales. Russes, chinois, américains, européens et même arabes ont les mêmes objectifs en Afrique : influence diplomatique et main totale sur l'économie, la politique et les ressources avec une présence militaire par l'installation de bases stratégiques.

La balkanisation par le congrès de Berlin
Le laboratoire de cette politique néo coloniale est d'abord l'Afrique de l'Ouest. Les africains de l'Ouest sortent de la balkanisation par le congrès de Berlin de 1885 et rentrent librement dans une autre balkanisation en organisant leur propre congrès de Berlin entre 2023 et 2024 en se mettant eux-mêmes la corde au cou ; donc les africains de l'ouest se mettent eux-mêmes dans une situation de dépendance totale. Si vraiment les grandes puissances veulent une coopération décolonisée avec l'Afrique, elles n'ont pas besoin d'organiser des sommets, des rencontres ou d'être présents par des bases militaires, elles doivent juste donner aux peuples africains de vraies et réelles opportunités de construire en toute souveraineté leur propre développement. Si vraiment les grandes puissances veulent une Afrique souveraine et libre, elles doivent choisir de donner la priorité à l'éducation pour vaincre la pauvreté et en faire la base pour la prise de conscience de leurs droits et la formation civique et la priorité à la formation professionnelle qui garantit l'acquisition de compétences pour travailler avec dignité leur continent. Pendant des décennies, l'Afrique a été considérée comme le parent pauvre du monde, la victime passive de la colonisation, le continent de la pauvreté, de la famine, des multiples épidémies, le théâtre des conflits armés interethniques et des dictateurs militaires inhumains et violents.

La plus grande partie des ressources naturelles de la planète
Avec la guerre de l'Ukraine et l'isolement de la Russie par le monde occidental, l'Afrique joue un autre rôle dans le monde car son essor démographique en fait le plus grand marché mondial et réserve de mains d'œuvre pour un monde occidental en hivers démographique mais surtout étant le continent qui abrite également la plus grande partie des ressources naturelles de la planète avec 30% des minéraux essentiels qui alimentent le monde. Cette position de l'Afrique dans ce contexte politique et économique international changeant, la présence des grands acteurs du monde dans le continent africain divisés en une cinquantaine d'États par le congrès de Berlin de 1885 va permettre aux puissances du monde avec la complicité des dirigeants africains de considérer l'Afrique con un " nomansland" richissime où chacune veut sa part. Ces puissances mondiales inondent l'Afrique d'argent pour concrétiser leurs aspirations politiques avec la certitude de dépenser 1 pour gagner 5. L'union européenne avec les 5 accords de partenariat économique (A.P.E.) avec 14 pays de l'Afrique sub saharienne ou les 212 milliards de stock qui font de l'union européenne la première en investissements directs, les U.S.A avec 41 milliards d'Euro et la Chine avec 39 milliards.
Face à l'appétit croissant des grandes puissances, la grande erreur des Etats africains est leur égocentrisme/égoïsme du "chacun pour soi". Cette stratégie politique des Etats africains est en total porte à faux avec la volonté de l'union africaine de défendre un plan collectif africain de développement. Aujourd'hui comme hier les pays développés regardent l'Afrique comme fournisseur de matières premières. La multiplication des méga conférences, méga sommets Afrique- Russie ou Afrique- Italie avec des accords bilatéraux toujours défavorables aux peuples africains est juste une stratégie pour cibler les fournisseurs les plus sûrs de produits essentiels pour les industries des U.S.A., de l'Europe, de la Chine, de la Russie, du Japon ou de la Turquie. Les grands slogans trompeurs et vides de sens et de réalisme politico- économique pour les africains cachent la vieille stratégie coloniale de " DIVISER POUR REGNER ». Les exemples n'en finissent jamais : le 8 décembre 2020, le Kenya a signé un accord avec le Royaume Uni pour abaisser les droits de douane des produits britanniques ignorant une décision de la Communauté de l'Afrique de l'Est (E.A.C.) de porter le tarif extérieur commun à 35%. Last but not least la sortie du Mali, du Niger et du Burkina Faso ; pays désormais pro- russes de la C.E.D.E.A.O accusée d'être à la solde des occidentaux en ce mois de Janvier 2024 sacrifiant la liberté de circulation des biens et des personnes en Afrique de l'Ouest est une évidence que les africains sont retournés dans une nouvelle ère de colonisation pour perdre encore leur souveraineté.

Magatte Simal
C.A.D.E.E.S. Italie

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