08 - Février - 2022

Champion d’Afrique avec le Sénégal, Famara Diédhiou a connu une promotion expresse qui détonne. Avant d’emprunter la trajectoire d’un footballeur au talent de buteur incontesté, sa carrière professionnelle s’apparentait à une publicité mensongère. Des espoirs déçus. Des promesses sans lendemains.
Longtemps dans la tourmente, Famara Diédhiou récolte aujourd’hui les fruits de sa patience. Passant d’un spectateur médusé des sorties de son équipe et de sa sélection, à un acteur des plus belles victoires de ses formations. Champion d’Afrique avec le Sénégal hier, face à l’Egypte au Cameroun, pourtant au début de sa carrière, on pouvait légitimement se demander si Famara Diédhiou (22 ans, 1m92), était taillé pour le haut niveau.
A Sochaux, son premier club d’accueil en France, l’attaquant international sénégalais n’a jamais su faire son trou, en Ligue 2. Ses statistiques faméliques (3 buts en 27 matches disputés en championnat, la saison dernière) renvoyaient toujours à ce qu’il était : un simple joueur de National qui venait renifler l’odeur de l’étage supérieur, tel un cachalot venu engloutir quelques mètres cube d’air frais, avant de replonger dans les profondeurs de l’océan. Dans l’anonymat. Ses premiers pas en Ligue 2 n’avaient rien de remarquable.

Eric Pégorer, membre du staff technique du Fc Sochaux, joint au téléphone par «L’Observateur», tentait de donner une explication : «Il y a eu plusieurs raisons : la principale est l’évolution du club qui était en Ligue 1. A l’époque, il y avait beaucoup plus de concurrence au poste d’attaquants, des joueurs comme Mayuka (attaquant zambien), Giovanni Sio (Ivoirien)… Quand l’équipe est descendue en Ligue 2, on pouvait se poser la question. Il n’avait pas eu la confiance du coach (Olivier Echouafni). Parallèlement à cela, il y a eu la montée en puissance de Karl Toko E’Kambi (attaquant international camerounais). Qui a fait une bonne saison. Donc, il y avait un attaquant qui marquait et un autre qui ne jouait pas. Ce qui a fait que Famara est parti, au mois de janvier, à Clermont».

«Famara a besoin de s’appuyer sur un capital-confiance»
Celui qui a traversé Sochaux comme un ectoplasme, a atteint en 2015 une plénitude qu’il n’avait jamais connue. Famara Diédhiou portait, à lui seul, Clermont (6e au classement) sur ses épaules et connaissait une résurrection express qui, forcément, détonnait et poussait à s’interroger sur sa reconnaissance tardive. Djiby Diagne, président de Dakar Sporting club par lequel le joueur a transité (affiliation), avant d’aller en France, via un agent espagnol, Rubénn Ramirez, croit avoir la réponse : «A Sochaux, Famara savait qu’il était meilleur que son concurrent. Mais l’entraîneur ne voulait pas le mettre. C’était difficile pour lui. Il en a souffert. Il avait soif, envie de montrer sa valeur réelle. C’est un gosse qui a faim. C’est pourquoi dès qu’il a commencé à jouer à Clermont, il a montré qu’il était un buteur, un opportuniste. Un bon attaquant. On n’accule pas un Lion».

Eric Pégorer créditait cette thèse : «Avant Clermont, il avait fait une très bonne saison à Ajaccio (en National, 13 buts). Il a un gros potentiel athlétique, mais comme tous les joueurs, Famara a besoin de s’appuyer sur un capital-confiance. Peut-être, c’est ce qui lui a manqué à Sochaux».
Paradoxalement, son moral n’a jamais été en berne, au point de mettre un voile sur ses qualités. Elles sont insubmersibles. «C’est un joueur très athlétique, qui peut allier puissance et vitesse, capable aussi de jouer en pivot. Il est assez complet. Il se déplace relativement bien. En ce moment, il est sur un nuage, sourit Pegorer. C’est un joueur qui aime le but, qui a le sens du but. Même quand il n’était pas en confiance, on sentait qu’il avait des qualités d’attaquant».

Sa mésaventure en sélection
Son éclosion a pris du temps. Il a végété pendant quatre ans dans les divisions inférieures, entre Cfa (Belfort) et National (Epinal, Ajaccio), tout en espérant des lendemains meilleurs. «C’est parce qu’il a eu d’abord une contrainte administrative avec le club de Sochaux, fait remarquer Eric Pégorer. On nous disait qu’il ne pouvait pas signer un contrat professionnel, tant qu’il n’avait pas eu une sélection avec son pays. Il y a eu toute cette période qu’on a eue avant de le mettre sous contrat. Suite à sa saison à Ajaccio (2013-2014) et celle qu’il a eue chez nous, c’est là qu’on peut dire qu’il a perdu du temps.»

La faute à une sélection qui le fuyait comme la peste et qui a failli hypothéquer sa carrière de footballeur professionnel. «Famara devait signer, dans un premier temps, à Nantes. Cela n’a pu se faire, parce que Sochaux proposait mieux. Malheureusement, il lui manquait le grade d’international. Je l’avais amené ici à Dakar et il avait fait un stage avec Aliou Cissé, alors adjoint de Karim Séga (sélection olympique). A l’époque, Famara ne jouait pas. Il a fait une semaine en regroupement et les entraîneurs ont trouvé qu’il était bon. On lui avait fait son passeport et tout.

Malheureusement, certains dirigeants sénégalais, qui étaient dans leur droit, ont dit : «Comme il ne jouait pas dans un championnat, il n’était pas sélectionnable.» Le jour du départ vers le Mexique, à l’hôtel Océan, le staff lui a dit qu’il ne partait pas parce qu’il y avait une certaine réticence. Le président Senghor (Augustin) a dit à l’entraîneur (Karim Séga) : «Vous prenez vos responsabilités.» Finalement, Famara n’est pas parti avec l’équipe nationale. Il est retourné en France.» Le rêve brisé.

Mais ses performances réconfortaient l’ancien sélectionneur des U23 dans son choix contesté, à l’époque, par ses supérieurs. Le défunt Karim Séga Diouf disait ceci lui : «Nous avions insisté à l’époque. (En vain). Mais le temps et le terrain nous ont donné raison. Il est en train de faire de très bonnes choses.»

Sans passer par la sélection nationale, Famara Diédhiou a pu signer son premier contrat professionnel d’une durée de trois ans à Sochaux, le 27 juin 2014. «Il a été rappelé en équipe nationale par Aliou Cissé, lors du match amical contre la Colombie (2-2, le 30 mai 2014, à Buenos Aires en Argentine, Ndlr). Auparavant, précise Djiby Diagne, il avait déjà fait ses trois ans en France et pouvait signer son contrat.»

Famara vient de loin, mais n’a plus de soucis à se faire. Il sourit. Le joueur qui végétait sur les bancs de touche est aujourd’hui un élément indispensable du dispositif de son club et de sa sélection nationale. Eric Pegorer : «C’est un joueur qui a un potentiel.» Feu Karim Séga Diouf ne se faisait pas d’illusion. Son constat était sans ambiguïté : «Famara a un sens du but très développé et, est très adroit de la tête. Cependant, il a besoin de travailler sa technique en mouvement, surtout en déviation et sa frappe du pied gauche en mouvement. Mais, même Messi (Fc Barcelone) a ses défauts. Son port abusif de balle lui coûte sa santé présentement (blessé et indisponible 7 à 8 semaines)».

La perfection n’est pas de ce monde.

 

Commentaires
0 commentaire
Laisser un commentaire
Recopiez les lettres afficher ci-dessous : Image de Contrôle
Autres actualités

Qatar 2022 : Le Sénégal termine à la 10e place mondiale

19 Décembre 2022 0 commentaires
L’Équipe Nationale du Sénégal, éliminée en huitièmes de finale du Mondial 2022, figure dans le top 10 des nations ayant par...
Demande de renseignement

Contactez nous au

07 69 67 77 43

ou