À 33 ans, ce jeune ingénieur d’origine sénégalaise transforme sa passion pour le savoir et la foi en application. Lancée le 15 août, Markaz promet de rendre les enseignements des érudits sénégalais accessibles au bout des doigts.
Par Mouhamed Ben Abdallah DIENE
Djiby Seck pourrait passer pour un jeune ingénieur comme tant d’autres. Et pourtant, derrière cette silhouette fine toujours légèrement penchée sur son clavier bien rôdé, se cache un projet qui mêle foi, science et technologie. Markaz, l’application qu’il lance ce vendredi 15 août 2025, est le fruit d’un parcours aussi atypique que fascinant. « On a beaucoup appris sur le tas », raconte-t-il, évoquant les six mois qui ont transformé son idée en produit téléchargeable, souvent entre deux stations de la ligne 14 du métro parisien.
Foi et héritage culturel
Né à Dakar, Djiby grandit dans une maison où foi et savoir cohabitent naturellement, un univers où l’islam, la quête du savoir et l’héritage culturel sénégalais rythment chaque journée. Membre actif du Dahiratoul Moustarchidine Wal Moustarchidaty (DMWM), il participe entre 2005 et 2012 aux activités de l’Université du Ramadan. Ce rendez-vous annuel consacre des journées aux plus jeunes, avec des compétitions intellectuelles comme Génies en herbe ou Questions pour un champion, réunissant des adolescents venus de tout le Sénégal. « Cet environnement, nourri par le savoir et l’exigence, a forgé ma jeunesse. Apprendre, lire, écrire… c’est devenu un mode de vie », confie-t-il.
Après un bac scientifique, il quitte la capitale pour l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, à 242 kilomètres. C’est là qu’il découvre l’informatique, au fil de sa licence en mathématiques, physique et informatique. En deuxième année, il doit se spécialiser. La plupart de ses camarades optent pour l’informatique. Lui choisit les mathématiques, convaincu qu’il pourra apprendre la programmation seul. Diplôme en poche, il part pour la France afin de poursuivre ses études. Tout en approfondissant les mathématiques, il s’initie au codage en autodidacte. À Paris, il intègre le prestigieux Master El Karoui — officiellement « Master Sciences et Technologies, parcours Probabilités et Finance » — réputé pour sa sélectivité et considéré comme une référence mondiale dans le domaine de la finance quantitative. Il s’y spécialise dans les marchés de l’énergie. Cinq années à EDF puis TotalEnergies lui permettent de conjuguer mathématiques appliquées et outils informatiques, un duo qui deviendra central pour Markaz.
Mais ce n’est pas seulement sa maîtrise du code qui le définit. Très tôt, il tape en arabe les discours de son oncle, Ustaas Mor Thiam, développant une compétence rare qui fusionnera culture et technique. « Je pouvais le faire les yeux fermés », raconte-t-il, sourire en coin. Cette double expertise scientifique et linguistique est l’ADN de Markaz.
« J’excellais dans cet exercice »
Son amour pour la langue arabe se développe depuis l’adolescence au daara. Il se souvient d’un exercice de grammaire (Naḥw) où son maître mettait parfois de l’argent en jeu pour récompenser le premier à trouver la bonne réponse. « J’excellais dans cet exercice », était-ce pour la mise ou par passion ? Sans doute les deux. Les discours du guide des Moustarchidine, Cheikh Seydi Mouhammadoul Moustapha Sy, nourrissent aussi cette passion. Il ne se contente pas de les mémoriser, « j’analyse la structure, le vocabulaire ... Chaque écoute est l’occasion de découvrir un mot nouveau, une tournure inédite ». Cette curiosité l’amène plus tard à s’intéresser à la traduction et à la transcription, compétences précieuses pour donner vie à un projet comme Markaz.
La genèse de Markaz
L’idée de Markaz germe bien avant sa réalisation. Nous sommes en 2014, à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Étudiant en licence de mathématiques, physique et informatique, Djiby Seck s’intéresse déjà aux moyens de rendre plus accessibles certaines œuvres religieuses. Inspiré par le style des applications de Coran, il imagine un outil similaire pour des textes comme Wasiilatul Munaa ou Taysiir. À l’époque, il en discute avec un ami, Abouna Diop — aujourd’hui docteur en géographie. Ensemble, ils se fixent un premier objectif concret : « réécrire Taysiir dans une version fiable, pour éviter les fautes fréquentes que l’on retrouvait dans les ouvrages disponibles ». Le texte est finalisé, imprimé, diffusé. Le projet d’application, lui, reste en suspens, « ni le temps ni les compétences techniques ne sont au rendez-vous ». Les études passent en priorité.
Dix ans plus tard, en 2025, l’idée refait surface. Djiby n’a encore jamais travaillé avec les outils ou langages nécessaires, mais il garde une certitude : « Je peux le faire. » Fin février, il se lance. Il commence par développer le backend, le cœur invisible de l’application qui gère toutes ses fonctionnalités, puis élabore les premiers modèles sur lesquels reposera l’ensemble.
Sa motivation tient aussi à une frustration
« Quand j’utilisais certaines applications de textes religieux, je ne m’y retrouvais pas. Les recherches étaient difficiles, les résultats manquaient de cohérence », confie-t-il. Markaz doit offrir l’inverse, des recherches fluides, des réponses structurées et dynamiques, une lecture synchronisée entre texte et audio, le tout dans une interface simple et agréable.
Le nom complet, Markazu l-fuhûm wa l-Ma'âni, lui vient presque spontanément. Mais dans son esprit résonne une définition donnée par Seydi Cheikh Ahmed Tijaan Sy, Al-Mactum : « Un centre d’intelligence et d’entendement ». Pour Djiby, Markaz est précisément cela. Un lieu numérique où puiser la quintessence et l’essence de l’enseignement des érudits sénégalais. Plus tard, il retrouvera une vidéo où Al-Mactum explique ce concept et décidera d’en faire un élément phare de la présentation publique. Si l’application se concentre d’abord sur les qasidas et discours de la tariqa Tijaniyya, elle ne s’y limite pas. Djiby ouvre une page de contribution accessible à toutes les confréries du Sénégal. Chacun peut y déposer des qasidas ou discours, à condition qu’ils soient intégralement vocalisés pour faciliter la transcription automatique. « Markaz est une bibliothèque, et on ne peut pas interdire son exploration à quiconque », résume-t-il.
Un lancement déjà riche en contenus
L’application n’est pas une simple base de données. Markaz propose une recherche intelligente et multilingue, « qasidas, chapitres ou vers, chaque mot peut devenir un point d’entrée pour explorer des œuvres anciennes ». Les textes, majoritairement en arabe, mais transcrits en caractères latins, se multiplient au fil des mises à jour. Le jour du lancement, l’application compte déjà 175 qasidas et une vingtaine de discours, un premier pas dans un projet pensé pour évoluer.
Djiby insiste sur le caractère collectif de l’aventure. Des amis l’ont épaulé, comme Cheikh Tidiane Cissé, enseignant, pour la relecture des textes. « Ses contributions ont été précieuses », note-t-il. Mais derrière chaque ligne de code, chaque contenu ajouté se perçoit la volonté d’offrir à la diaspora un outil accessible et pédagogique. L’interface, disponible en français, arabe et anglais, fonctionne en portrait comme en paysage, et transforme chaque consultation en exploration. Markaz s’adresse autant aux curieux qu’aux chercheurs. Elle permet de mesurer combien de fois un concept est utilisé par les érudits et dans quels contextes. « Certains concepts sont complexes. Markaz aide à les comprendre et à les retrouver. »
Oser et se donner les moyens
Ce projet, cependant, n’est qu’un premier pas. D’autres initiatives similaires sont déjà envisagées. À la jeunesse, il adresse un conseil simple : « Il faut oser. Lancez-vous, donnez-vous les moyens de réaliser vos objectifs. Ce ne sera pas facile, mais persévérez. » Trois mots résument Markaz, selon son créateur : « Culture, Recherche, Spiritualité ». Trois mots qui traduisent une ambition simple, mais puissante, rendre l’héritage culturel accessible à tous, en alliant la foi et la technique, le numérique et le sens. Et derrière l’écran, Djiby Seck n’est pas seulement un créateur d’application. Il est une passerelle entre générations, un explorateur du savoir, un jeune de la diaspora qui offre à tous une clé pour entrer dans un univers de mémoire et de culture, en un clic.
Mouhamed Ben Abdallah DIENE
Journaliste
Mâcha Allah bonne continuation
Machallah Oustàz Djiby bismillàhi là adurru ?
Merci de nous offrir ce joyau, c'est excellent
T'es vraiment une source d'inspiration pour les jeunes...
Pourquoi apk n'est pas disponible sur Android
Belle initiative. Felicitation et bon courage !
Franchement chapeau à toi Jabra-îl
Yalna Yàllah barkél, té mottali project yeup si barké Goor-Gui
Merci beaucoup Djiby pour ce joyeu. Merci tou MBAD pour cet article
Merci pour cette belle initiative Tonton Djiby. Yalla na yalla na yalla Barkel ta fayla yiiw.
Bravo, bonne continuation !
Vraiment on est fier de vous Djiby. Que Dieu vous bénisse
On est tellement fier de vous et merci énormément pour cette application
Yalla motali barkei Goor gui
Merci beaucoup djibril !!!
Pour cette belle initiative qui englobe un contenu très spécial ...
Yalna yalla samu la?
Merci pour cette marque d’attention à l’endroit des jeunes qui ne cessent de creuser leur savoir afin de proposer des choses extraordinaires pour la quête du savoir.